en Tunisie, l’espace médiatique se rétrécit à l’approche de la présidentielle

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Qui seront les journalistes autorisés à couvrir l’élection présidentielle en Tunisie ? Alors que l’espace politique se réduit au fil des arrestations d’opposants, le paysage médiatique se rétrécit également à l’approche du scrutin prévu le 6 octobre.

Dernier exemple : au sein de l’agence publique Tunis Afrique Presse (TAP), le Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT) s’est alarmé, vendredi 5 juillet, de la suppression d’une dépêche annonçant une candidature à la présidentielle. « Bien que plusieurs médias locaux et étrangers aient repris l’information de la TAP, le PDG de l’agence, Najeh Missaoui, a donné des “instructions” pour la supprimer complètement et définitivement de tous les supports médiatiques de l’agence », dénonce le communiqué.

Le candidat en question est Mondher Zenaïdi, considéré comme l’un des principaux adversaires du chef de l’Etat, Kaïs Saïed, qui n’a pas encore officialisé son intention de briguer un second mandat. L’intéressé a confirmé le traitement qui lui a été réservé. « Mon annonce de candidature, le 4 juillet, s’est faite dans un climat de répression illustré par la censure de mon annonce par l’agence TAP », a réagi sur son compte Facebook l’ancien ministre en exil de Zine El-Abidine Ben Ali, tout en faisant part de sa « détermination à mobiliser les Tunisiens pour des élections salvatrices et porteuses d’espoir ».

Mis en cause dans une affaire de privatisation au bénéfice du gendre de l’ex-président déchu – pour laquelle il nie toute implication –, Mondher Zenaïdi n’est pas le seul acteur politique ostracisé par la TAP. Selon le SNJT, la couverture d’une conférence de presse du Parti destourien libre (PDL, opposition), le 6 juillet, a été annulée sur décision de la direction générale de la rédaction. Le PDL annonçait alors la candidature de sa présidente, Abir Moussi, emprisonnée depuis octobre 2023. Ces décisions ont « surpris les journalistes de l’agence et ravivé leurs craintes de voir l’agence redevenir un outil au service du politique », a mis en garde le SNJT.

« Organe de propagande »

La mise au pas progressive des médias en Tunisie a commencé au lendemain du coup de force perpétré par Kaïs Saïed le 25 juillet 2021. Des agents des forces de l’ordre avaient alors procédé à la fermeture des locaux de la chaîne qatarie Al Jazeera à Tunis, sans aucune explication ni mandat. Ils sont restés fermés depuis. Quelques jours plus tard, le PDG de la télévision nationale avait été limogé. La nouvelle direction avait rapidement exclu des plateaux toute voix dissidente, limité les débats politiques et centré le journal sur les activités de l’exécutif.

Le SNJT avait dénoncé en novembre 2022 « l’intention de transformer la télévision nationale en un organe de propagande à la solde du régime en place ». En janvier 2023, une circulaire de la direction avait ensuite interdit aux employés de s’exprimer « dans les médias sur des sujets en lien avec leur travail ou avec l’établissement de la télévision tunisienne sans autorisation préalable », prévenant que toute déclaration contraire à « l’intérêt supérieur de l’Etat » pourrait faire l’objet de mesures disciplinaires.

Au sein des médias privés, des dizaines de journalistes et animateurs d’émissions politiques sont déjà sous le coup de procédures judiciaires. Ils sont notamment accusés de « diffusion de fausses informations » sur la base du décret-loi 54 promulgué par Kaïs Saïed en septembre 2022 et risquent jusqu’à dix ans de prison. « On est dans une situation pire que sous Ben Ali ou Bourguiba, parce qu’à l’époque il n’y avait pas autant de journalistes en prison ou poursuivis. La censure est de retour, même dans les médias privés », s’inquiète Amira Mohamed, membre du bureau exécutif du SNJT, dans un entretien accordé au Monde.

Le 11 mai, Borhen Bsaïes, l’animateur de « L’Emission impossible » – l’une des plus écoutées en Tunisie –, et deux de ses chroniqueurs, l’avocate Sonia Dahmani et le journaliste Mourad Zeghidi, ont été arrêtés puis condamnés à un an de prison. Diffusée elle aussi sur la radio IFM, l’émission « 90 minutes » a été arrêtée en juin, avant la fin de la saison, officiellement pour des « raisons économiques », alors que sa présentatrice, Khouloud Mabrouk, avait été convoquée par la brigade spéciale de la Garde nationale de Tunis pour des propos tenus à l’antenne par des opposants.

Peur des représailles

La peur de représailles s’illustre dans la réduction du nombre d’émissions politiques ainsi que dans la ligne éditoriale choisie par les chroniqueurs et éditorialistes invités à commenter l’actualité.

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Elyes Gharbi, animateur de « Midi Show », sur Mosaïque FM, a annoncé fin juin sa décision de quitter l’émission à la fin de la saison. Le ton de ce programme, jusqu’alors critique vis-à-vis du pouvoir en place, avait déjà connu un changement notable après l’arrestation de Noureddine Boutar, le directeur de la radio, emprisonné pendant trois mois pour « complot contre la sûreté de l’Etat » et « blanchiment d’argent ». Il est accusé d’avoir utilisé l’argent de la radio pour orienter la ligne éditoriale du média contre le pouvoir.

Parallèlement, Elyes Gharbi et l’un de ses chroniqueurs, le journaliste satirique Haythem El Mekki, ont également été poursuivis pour outrage par un syndicat des forces de l’ordre après des propos tenus à l’antenne au sujet de l’attentat perpétré le 9 mai 2023 aux abords de la synagogue de la Ghriba, pendant le pèlerinage juif annuel sur l’île de Djerba, par un agent de la garde nationale.

« Il est devenu très difficile, voire impossible, de faire ce métier. Il y a des affaires dont on n’a pas le droit de parler, sans parler des collègues qui sont en prison pour avoir exprimé des opinions banales. Pratiquer le journalisme politique indépendant aujourd’hui en Tunisie est devenu impossible. Je pense qu’à la rentrée, il n’y aura presque plus de plateaux politiques », a regretté Haythem El Mekki dans une déclaration au Monde au moment de mettre fin à treize années de chroniques satiriques sur Mosaïque FM.

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