La junte au pouvoir au Mali a opéré un nouveau tour de vis autoritaire en annonçant, mercredi 10 avril, la suspension « jusqu’à nouvel ordre » des activités des partis et des associations à caractère politique.
« Sont suspendues jusqu’à nouvel ordre, pour raisons d’ordre public, les activités des partis politiques et les activités à caractère politique des associations sur toute l’étendue du territoire national », dit un décret pris en conseil des ministres par le chef de la junte, le colonel Assimi Goïta, et lu devant des journalistes par le colonel Abdoulaye Maïga, porte-parole du gouvernement.
« Les actions de subversion des partis politiques et de leurs alliés ne font que se multiplier », explique le communiqué du conseil des ministres.
Il s’agit d’une nouvelle restriction à toute expression d’opposition ou de dissidence de la part des colonels qui ont pris le pouvoir par la force en août 2020 en renversant le président civil Ibrahim Boubacar Keïta. Les militaires se sont maintenus à la tête du pays au-delà du 26 mars 2024, date à laquelle ils s’étaient engagés, sous la pression de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao), à céder la place à des civils élus. Ils n’ont pas non plus organisé de présidentielle en février 2024 comme ils en avaient pris l’engagement.
L’opposition réduite à l’impuissance
Le colonel Maïga a justifié la suspension des partis en invoquant un « dialogue » national lancé le 31 décembre par le colonel Goïta. Le lancement de ce « dialogue » ainsi que le non-respect de l’échéance du 26 mars ont donné lieu à des « discussions stériles », a dit le colonel Maïga.
« On ne peut pas mener un dialogue aussi crucial que l’est le dialogue direct intermalien dans la cacophonie et la confusion », a-t-il dit. « On ne peut pas accepter que des forces politiques, pour une raison ou une pour autre, prennent en otage une initiative aussi salvatrice », a-t-il insisté.
L’opposition est réduite à l’impuissance depuis août 2020 par les mesures coercitives, les mises en cause judiciaires, les dissolutions d’organisations et la pression du discours dominant sur la nécessité de faire corps autour de la junte dans un pays confronté depuis 2012 au djihadisme et à une profonde crise multidimensionnelle.
Plusieurs partis et organisations de la société civile se sont cependant émus dans une déclaration commune le 31 mars du « vide juridique et institutionnel » laissé selon eux par le non-respect de l’échéance du 26 mars, ont réclamé des militaires une « concertation rapide et inclusive » pour la tenue de la présidentielle « dans les meilleurs délais » et se sont réservé la possibilité de « toutes les voies légales et légitimes » pour le retour des civils.
Un collectif d’organisations de défense des droits humains a estimé le même jour que le Mali se trouvait « dans une impasse » et qu’il était temps pour les militaires « de retourner dans les casernes » et de « laisser d’autres citoyens élus gérer les affaires publiques du pays ».
« On n’est pas du tout dans un vide juridique, la transition continue », a rétorqué le colonel Maïga, mercredi, en parlant de la période supposée transitoire entre l’arrivée au pouvoir des colonels et la rétrocession de celui-ci à des civils.
« Le Mali est dans une phase critique »
Le colonel Maïga a aussi invoqué la poursuite de la lutte contre les groupes armés djihadistes et indépendantistes touareg. « Le Mali est dans une phase critique », a-t-il déclaré. « Dans ces circonstances, on ne peut pas accepter que des débats politiques stériles nous ramènent là d’où nous venons », a-t-il dit.
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Le communiqué du conseil des ministres annonce par ailleurs l’extension du périmètre de sécurité autour de l’aérodrome militaire et de la poudrière de la cité garnison de Kati, centre névralgique de la junte à une quinzaine de kilomètres de Bamako.
Depuis sa prise du pouvoir consolidée par un second putsch en mai 2021, la junte a multiplié les actes de rupture. Elle a rompu l’alliance ancienne avec la France et ses partenaires européens pour se tourner militairement et politiquement vers la Russie. Elle a poussé vers la sortie la mission de l’ONU Minusma. Elle a dénoncé l’accord signé en 2015 avec les groupes indépendantistes du nord, considéré comme essentiel pour stabiliser le pays.
A la suite du Mali, des militaires se sont emparés du pouvoir chez les voisins sahéliens du Burkina Faso en 2022 et du Niger en 2023. Les trois pays en proie au djihadisme ont forgé une alliance et décidé de quitter la Cedeao.