Une procession, sept plongeons et une assida au miel 

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Plusieurs rituels accompagnent la saison d’Aoussou, au cœur de la canicule estivale. Comme des transmissions invisibles qui ont traversé les siècles. 

Aujourd’hui, 25 juillet, nous ouvrons la saison d’Aoussou et, je vais l’expliquer, les bains de mer sont une tradition séculaire, immémoriale, qui remonte à très loin, probablement à l’Antiquité. 

C’est donc le 25 juillet que, selon le calendrier agricole tunisien, nous célébrons l’avénement de la saison d’Aoussou dont l’étymologie renverrait à Augustus. 

Des rituels persistants et peut-être quelques réminiscences antiques accompagnent cette célébration qui pourrait être liée à Neptune. 

Le calendrier traditionnel tunisien a des origines juliennes puisqu’il a été introduit par Jules César. Parmi les saisons de ce calendrier, celle de Aoussou est la plus chaude de l’année. 
Considérée comme la saison de la canicule, Aoussou se divise en deux sous-saisons qui durent chacune une vingtaine de jours et se déroulent de juillet à septembre. 
La première se nomme Toulou’ Aoussou (la montée de la canicule). Elle est suivie par Roujou’ Aoussou (la décroissance de la canicule) qui débouche sur le début de l’automne traditionnel.

Un premier point concerne l’étymologie du terme Aoussou. Pour les uns, ce mot proviendrait de « Augustus », le nom du mois d’août en latin. Pour d’autres sources, ce serait plutôt une corruption de « Océan », autre appellation de Neptune, le dieu de la mer. 

En ce sens, dans les régions du Sahel tunisien, on parle de Baba Aoussou, ce qui pour certains anthropologues pourrait renvoyer à Neptune.
Ainsi, les fêtes populaires qui accompagnent l’entrée d’Aoussou seraient reliées à l’ancien culte de Neptune, figure tutélaire de certaines villes de l’Antiquité.

Avec le passage du temps, la célébration paienne aurait ainsi perdu son sens premier mais se serait transmise. Ainsi, le carnaval de Sousse à l’occasion d’ Aoussou serait une lointaine réminiscence de l’Antiquité.

Plusieurs rituels accompagnent l’entrée d’Aoussou. Même si elles ont relativement perdu de leur vivacité, ces coutumes soulignent que la période d’Aoussou est celle de soins préventifs et de rituels liés à la mer.

En ce sens, on fait des ablutions avec de l’eau de mer, on se baigne, on se lave le corps pour se prémunir de toute maladie.
On prononce une formule propitiatoire: « Ya Baba Aoussou nehhi edda elli nhessou » ce qui signifie  » Aoussou enleve le mal que je ressens ».
On s’adresse aussi à « bhar Aoussou » c’est à dire la mer d’Aoussou dans laquelle on prend des bains quasiment rituels.

Pour Aoussou, on recherche à nager dans sept vagues successives. On emmène aussi les bêtes de somme à la mer pour les asperger d’eau et les faire entrer dans les flots.

La tradition voulait qu’on entre collectivement dans la mer, en famille et aussi avec les animaux. 
Comme souligné, les baigneurs visent sept vagues successives distinctes. Dans la mer, ils lancent des brassées d’eau qui retombent ensuite comme de l’eau de pluie.
Par ailleurs, les nuages qu’on voit, sont aussi annonciateurs d’une année féconde. 

Les rites d’Aoussou sont pour l’essentiel destinés à éloigner le mal, la maladie, les sortilèges. Ils sont fortement liés à la mer.

Par ailleurs, pour Aoussou, on mange une assida au miel; cette bouillie de semoule est mangée tôt puis on n’ingurgite plus rien croyant que le corps serait ainsi purifié. Par ailleurs, c’est en période de Aoussou qu’on récolte certaines variétés de miel.
Cette fête aurait ainsi des racines très lointaines, souligne l’arrivée de la canicule et s’accompagne de nombreux rituels liés à la mer. Cette survivance reliée à l’antiquité est l’une des continuités invisibles qui nous renvoient à notre passé antique.

On comprendra dès lors ce qui me pousse à m’entretenir avec la mer d’Aoussou. Probablement mon fonds païen que je préserve jalousement et aussi la croyance irrépressible que nous sommes ainsi. De plus, le ciel est aujourd’hui nuageux et nous sommes ainsi : nous le voyons comme un signe. Peut-être nos Olympes oubliées nous taquinent-elles pour nous éprouver davantage ! Le ciel n’en reste pas moins voilé, enveloppé dans une brume blanchâtre que traversent les nuages.

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