pourquoi le feuilleton des droits voisins n’est pas fini

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Institués par une directive européenne et la loi de transposition du 24 juillet 2019 en France, les « droits voisins du droit d’auteur » permettent aux éditeurs de journaux, magazines et aux agences de presse de se faire rémunérer lorsque leurs contenus sont réutilisés sur Internet par les grandes plateformes.

Depuis cette date, le dossier des droits voisins représente l’un des plus importants gérés par l’Autorité française de la concurrence (ADLC). Elle a prononcé une pluie de décisions, en particulier contre Google : des mesures d’urgence sous forme d’injonctions en avril 2020, une sanction contre le géant de l’Internet via une amende de 500 millions d’euros en juillet 2021, et une autre sanction en mars 2024 de 250 millions d’euros car il n’avait pas respecté ses engagements.

Pour Google, la facture atteint donc déjà 750 millions d’euros en France. « J’espère qu’il n’y aura pas une cinquième décision sur Google et les droits voisins », souffle Benoît Cœuré, président de l’ADLC.

Consentement

L’entreprise américaine est coupable de nombreux manquements. Dans le domaine de l’intelligence artificielle, elle n’a en particulier pas demandé leur consentement aux éditeurs et agences de presse pour entraîner son agent conversationnel Gemini (anciennement appelé Bard) avec leurs contenus.

En outre, Google ne proposait pas de solution technique leur permettant de s’opposer à l’utilisation de leurs contenus par l’agent conversationnel. Éditeurs et agences de presse discutent actuellement de mesures correctrices proposées par Google.
À LIRE AUSSI Benoît Cœuré, le « roi Salomon » de la concurrence« L’Autorité n’a pas à intervenir tant que cela se passe bien. Le dossier des droits voisins est compliqué et prend du temps, mais il y a des progrès aujourd’hui. Nous sommes partis d’une situation où Google ne versait rien au titre des droits voisins à une situation où des contrats sont signés et où les montants augmentent progressivement. Nous sommes donc dans une dynamique positive qui a rendu du pouvoir de négociation aux éditeurs et agences de presse sachant qu’il s’agit d’avoir accès à des données confidentielles de Google de fréquentation de sites et de revues publicitaires », estime Benoît Cœuré.

Manque de transparence

Reste que le géant américain n’a daigné verser jusqu’à présent qu’un très faible montant d’argent aux éditeurs français, qui réclament parfois jusqu’à dix fois plus en échange de leurs contenus. Il résiste également à transmettre de manière transparente ses données économiques au mandataire agréé par l’Autorité de la concurrence, données qui permettraient d’évaluer plus justement les bénéfices qu’il tire de l’utilisation des contenus de la presse française.
À LIRE AUSSI Comment les Gafam violent la loi et volent la presse

Après être parvenue à signer des accords avec Google et Facebook au terme d’une longue et rude bataille, la presse française se heurte aux réticences pour négocier de la part de Microsoft et de X (ex-Twitter).

En mai 2024, la justice, saisie en référé par trois groupes de presse (Les Échos-Le Parisien, Le Figaro et Le Monde), a ordonné au réseau social X de lui communiquer ses revenus publicitaires et d’autres données commerciales liées à l’utilisation de ses contenus sur le réseau social. 

Restreindre le nombre d’ayants droit

Le compte n’y est toujours pas pour les éditeurs de presse. Cinq ans après l’adoption de la législation européenne et française sur les droits voisins, les Gafam sont parvenus à limiter au maximum son application. Ils essaient notamment de restreindre le nombre d’ayants droit par une approche très restrictive des critères d’éligibilité des éditeurs et sites de presse pouvant toucher des droits voisins. 

À LIRE AUSSI Jean-Marie Cavada : « Les Gafa sont des prédateurs de démocratie »En conversation avec Le Point en marge de la présentation du rapport annuel de l’Autorité, Benoît Cœuré précise par ailleurs que certains points du dossier des droits voisins « ne relèvent pas du droit de la concurrence », tels que la redistribution d’une partie des droits voisins aux journalistes.

Le Monde, qui a préféré jouer solo plutôt que collectif en négociant en direct avec Google et en obtenant environ un million d’euros par an, a conclu un accord assurant un reversement de 25 % des droits voisins du droit d’auteur aux journalistes pour l’utilisation de leurs contenus par les géants du net et OpenAI.


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