Le bouleversement provoqué par la guerre en Ukraine et le réarmement mondial imposent un effort « durable » de l’industrie de défense pour produire davantage et plus rapidement, a prévenu, jeudi 11 avril, Emmanuel Macron en posant la première pierre d’une usine de poudre pour obus à Bergerac, en Dordogne.
« Nous sommes partis durablement pour nous installer dans un changement géopolitique, géostratégique où les industries de défense vont avoir un rôle croissant », a estimé le chef de l’Etat en présence d’industriels de la défense, qu’il exhorte à accélérer pour passer à une « économie de guerre » afin de continuer à soutenir l’Ukraine face à la Russie.
Selon Emmanuel Macron, « l’effort » à fournir est « urgent, il faut aller vite, fort ». « Le monde dont nous parlons, il ne s’arrêtera pas si demain la guerre se termine, parce qu’il y a un réarmement massif (…) de la Russie et parce que vous voyez partout en Europe les dépenses militaires, les commandes augmenter », a-t-il martelé.
La première pierre posée par le chef de l’Etat sur le site d’Eurenco, leader européen des poudres et des explosifs, doit se concrétiser par l’ouverture début 2025 d’une nouvelle usine, capable de produire 1 200 tonnes de poudre par an.
« Engourdissement satisfait » de l’industrie de défense
Le site de Bergerac, qui en produisait depuis 1915, avait été démantelé en 2007, faute de commandes suffisantes. La demande avait commencé à augmenter avant le déclenchement de la guerre en Ukraine, mais le conflit a été un « accélérateur de croissance » pour le groupe, selon son président-directeur général, Thierry Francou. Les commandes d’Eurenco s’étalent dorénavant jusqu’en 2030 et ont représenté 1,2 milliard d’euros sur les six derniers mois.
Pour Emmanuel Macron, « la relocalisation des poudres, qui avait été en effet abandonnée, montre qu’il n’y a pas de fatalité industrielle ». La production de corps de bombes de 250 kilos a également été relocalisée en France, selon l’Elysée.
Accompagné à Bergerac du ministre de l’économie, Bruno Le Maire, et de celui des armées, Sébastien Lecornu, le chef de l’Etat devait ensuite rencontrer des dirigeants de l’industrie française de l’armement sur le thème du réarmement. Parmi eux, les patrons de MBDA, Eric Béranger ; de Thales, Patrice Caine ; de KNDS France (ex-Nexter), Nicolas Chamussy ; ou encore de Bruno Durand, président d’Aubert & Duval, fabricant d’aciers spéciaux utilisés tant pour les sous-marins que pour les avions ou les canons Caesar.
Lors de ses vœux aux armées en janvier à Cherbourg (Manche), Emmanuel Macron avait fustigé une « forme d’engourdissement satisfait » de l’industrie de défense avant l’invasion de l’Ukraine. « On ne peut laisser la Russie penser qu’elle peut gagner (…). Une victoire russe, c’est la fin de la sécurité européenne », avait-il martelé.
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Depuis l’annonce du chef de l’Etat d’un passage en économie de guerre en juin 2022, l’industrie cherche à monter en cadence pour répondre aux commandes. La France a ainsi passé commande pour 20 milliards d’euros d’équipements militaires en 2023, un tiers de plus que les années précédentes. Paris attend notamment la livraison de 1 500 missiles antichar MMP, de 55 000 obus et, pour les missiles antiaériens, de 300 Mistral, 500 Mica-NG et 220 Aster. Pour y répondre, les industriels s’efforcent d’accélérer. KNDS France a vu sa production de canons Caesar tripler, tandis que MBDA doit augmenter de 50 % sa cadence de missiles Aster d’ici à 2026, un rythme insuffisant, selon le ministre des armées.