À la Goulette, dans les rues de la Petite Sicile 

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Promenade nostalgique dans le quartier goulettois de la Petite Sicile à la recherche de traces parfois infimes, de ruines urbaines et d’immeubles neufs, autour d’une église, derrière des remparts et le long d’un canal aujourd’hui disparu. 

En traversant le quartier goulettois de la Petite Sicile, je marche parmi les ombres, dans une présence invisible désormais. Envoûté par les siècles antérieurs, je vois arriver des contingents de Siciliens qui débarquaient en terre africaine, gonflés d’espoir après la traversée. 

Ils étaient maçons, mineurs, paysans, parfois des familles entières qui rêvaient d’un nouveau départ. Certains iront travailler sur les chantiers et dans les campagnes. Ces derniers défricheront les riches terres du nord et y vivront parfois pour plus d’un siècle. 

D’autres resteront à la Goulette et construiront le quartier de la Petite Sicile autour de l’église, derrière les remparts, le long du canal. Aujourd’hui, la muraille s’est effritée et le canal a été comblé : les rues semblent vides, jalonnées d’immeubles fanés. Certaines bâtisses tiennent à peine debout. Elles sont bordées de terrains vagues qui attendent des immeubles neufs. 

Parfois, une nostalgie tenace renaît face aux portes repeintes en bleu ou devant les jacarandas qui donnent de l’ombre aux maisons vides et aux ruines urbaines. Sous le soleil de juin, assoupie, la Petite Sicile attend comme une belle au bois dormant. Ici et là, quelques travailleurs s’affairent, refaisant les mêmes gestes que ceux qui les ont précédés il y a un siècle. 

Dans l’église presque bicentenaire, la statue de la madone de Trapani rêve à la procession du mois d’août. Peut-être les pêcheurs pensent-ils qu’elle viendra bénir la mer nourricière et leurs embarcations ? 

Je chemine presque seul dans les rues silencieuses. Mais j’entends la même rumeur, mille voix qui s’interpellent en sicilien et en arabe, des marteaux qui heurtent des enclumes, des chariots qu’on décharge, des enfants qui jouent, la vie éclaboussée par la joie, le labeur, le soleil. 

Je continue à marcher. Comme si j’avançais dans un village qui n’est visible qu’à mes yeux. Cette impression m’habite parfois lorsque à Dougga ou Carthage, je recrée mentalement le quotidien des habitants évanouis. Ne suis-je pas après tout dans une cité qui fut latine ? Je regarde les couleurs ocres de certains murs, la décoration des balcons, ce qui reste de la beauté fraîche qui s’est etiolée.

Tout en caressant les façades du regard, je n’ai d’yeux que pour les injures du temps et rêve de les conjurer en psalmodiant des noms, en invoquant le souvenir, réincarné dans un quartier décharné.


 

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