Le drapeau français oscille doucement sous le ciel gris, menaçant. Le silence, avant l’orage. Puis, le Chœur de l’armée française lance le chant Les commandos d’Afrique. De part et d’autre de l’allée centrale, qui fend le cimetière marin, des tombes, à perte de vue, au milieu des pins et des lauriers blancs. A l’entrée de la forêt de l’Estérel, à 5 kilomètres du centre de Saint-Raphaël (Var), la nécropole internationale de Boulouris-sur-mer abrite les sépultures de 464 soldats français de toutes origines et confessions, morts en marge du débarquement de Provence, le 15 août 1944. Sur chacune des tombes, est mentionné le nom du « héros », son unité, son grade et sa religion, la date de sa mort et la mention « Mort pour la France ».
Ce lieu de mémoire, qui frappe par sa beauté simple, a été inauguré par le général de Gaulle en 1964. Soixante ans plus tard, c’est Emmanuel Macron qui se tient là, jeudi 15 août, devant quelques vétérans, pour le 80e anniversaire du débarquement de Provence. Méconnu, parfois même oublié, car largement occulté par le D-day de Normandie, ce débarquement de 100 000 soldats américains, canadiens et britanniques, le 15 août 1944, a pourtant permis d’accélérer la victoire sur l’Allemagne nazie, prenant en tenaille les forces occupantes et précipitant leur débâcle.
Initialement nommée « Anvil » (« enclume »), l’opération, soigneusement préparée, sera finalement baptisée « Anvil-Dragoon » (« contraint ») par Churchill, qui n’y était pas favorable. Le débarquement des forces alliées a ouvert la voie à plus de 250 000 Français de l’« armée B », qui, sous les ordres du général de Lattre de Tassigny, ont pu reprendre Toulon et Marseille en moins de deux semaines, et effacer – en partie – l’humiliation de 1940.
Composée pour l’essentiel de troupes venues des colonies françaises en Afrique, cette future « Première armée » comptait 84 000 Français d’Afrique du Nord, 12 000 soldats des Forces françaises libres (FFL) fidèles au général de Gaulle et 12 000 Corses, mais aussi 130 000 soldats dits « musulmans », d’Algérie et du Maroc, et 12 000 soldats de l’armée coloniale, comme des tirailleurs sénégalais, ou des marsouins du Pacifique et des Antilles.
L’« armée la plus fervente et la plus bigarrée »
« Ces hommes s’appelaient François, Boudjema, Harry, Pierre, Niakara », a lancé Emmanuel Macron, rappelant qu’« un grand nombre d’entre eux, spahis, goumiers, tirailleurs africains, antillais, marsouins du Pacifique, n’avaient jamais foulé le sol de la métropole » avant d’être envoyés participer à la libération de la France. « Officiers de l’Empire ou enfants du Sahara, natifs de la Casamance ou de Madagascar, (…) ils n’étaient pas de la même génération, ils n’étaient pas de la même confession, (…) ils étaient pourtant l’armée de la nation, armée la plus fervente et la plus bigarrée », a-t-il insisté.
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