négociations à Genève pour un improbable cessez-le-feu

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Une semaine après leur commencement à Genève, le 14 août, les négociations sur la guerre au Soudan laissent entrevoir une avancée sur la question de l’accès humanitaire dans les zones de conflit. Le pays se trouve en effet dans « l’une des pires situations humanitaires au monde », selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). Pour autant, un cessez-le-feu, autre objectif des discussions lancées à l’initiative des Etats-Unis, semble à ce jour inenvisageable entre les deux principaux camps.

Depuis le 15 avril 2023, les Forces armées soudanaises (FAS) du général Abdel Fattah Al-Bourhane et les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR), dirigées par le général Mohamed Hamdan Daglo, dit « Hemetti », se disputent le contrôle du territoire soudanais, réveillant des tensions plus anciennes entre des groupes armés locaux.

Le gouvernement soudanais, critique de ces négociations co-organisées par les Etats-Unis, l’Arabie saoudite et la Suisse, en est absent. « Nous travaillons au téléphone », précisait Tom Perriello, envoyé spécial des Etats-Unis pour le Soudan, lors d’un entretien jeudi. Toutefois, le Conseil souverain du Soudan, présidé par le général Al-Bourhane, a annoncé l’envoi d’une délégation au Caire, en Egypte. Une rencontre devait avoir lieu, mardi 20 août, avec l’émissaire américain qui s’y est rendu. Quelque 26 millions de Soudanais sont dans une situation de faim aiguë, selon les Nations unies. L’état de famine a été déclaré début août dans le camp de Zamzam, situé au Darfour, région de l’ouest du Soudan. L’objectif majeur des discussions est donc l’élargissement de l’accès humanitaire.

« Décisions constructives »

Le Conseil souverain du Soudan a fait un pas dans cette direction. Il a annoncé jeudi la réouverture du point de passage frontalier d’Adré, entre le Tchad et le Darfour soudanais, aux livraisons humanitaires pour une durée de trois mois. Dans un communiqué commun, les pays co-organisateurs et les observateurs, parmi lesquels l’Egypte, les Emirats arabes unis (EAU), l’ONU et l’Union africaine (UA), ont salué des « décisions constructives des deux parties », mentionnant « l’engagement des FSR à coopérer avec les livraisons humanitaires ». Le passage d’Adré est « sur le point d’ouvrir » selon Tom Perriello, « avec plus de cent camions prêts à partir ».

Si l’accord des Forces armées soudanaises était nécessaire, ce sont bien les Forces de soutien rapide qui contrôlent majoritairement le Darfour. Les FAS les soupçonnent d’utiliser Adré pour s’approvisionner en armes. La zone frontalière entre le Darfour et le Tchad est stratégique à cet égard. L’annonce du Conseil « pourrait être un moyen de dire aux FSR : “Voyons ce que vous pouvez faire avec une présence internationale” », explique Hager Ali, chercheuse à l’Institut d’études mondiales et régionales (GIGA) à Hambourg. « Il serait plus difficile pour les FSR d’utiliser ce point de passage pour se fournir en armes si des acteurs internationaux l’empruntent également », ajoute-t-elle.

Si les FSR ont rapidement fait savoir qu’elles iraient à Genève, les forces gouvernementales, dès le début, ont critiqué la manière dont Washington a abordé les négociations. « L’émissaire américain n’a jamais mis les pieds au Soudan, et c’est l’envoyé spécial pour le Soudan ? », accusait le vice-président soudanais Malik Agar dans une interview accordée à la chaîne de télévision américaine PBS vendredi. La présence des EAU, allié majeur des Forces de soutien rapide, en tant qu’observateurs des discussions, a renforcé les réticences des Forces armées soudanaises.

Celles-ci se considèrent en effet comme la seule autorité légitime du pays et refusent d’être mises sur le même plan que les FSR. « Les Etats-Unis n’ont pas suffisamment pris en compte ces préoccupations », jugeait Cameron Hudson, analyste du Centre d’études stratégiques et internationales (CSIS), interrogé par la radio soudanaise Dabanga à l’ouverture des négociations. Les FAS demandent l’application des accords de Djedda, issus de précédentes négociations menées en mai 2023 en Arabie saoudite. C’est pour demander, de nouveau, l’application de cet accord qu’elles ont envoyé une délégation au Caire.

Lettre morte

Les deux parties s’étaient engagées dans la ville saoudienne à respecter le droit humanitaire international et à ne pas occuper ou utiliser les infrastructures publiques comme les hôpitaux à des fins militaires. Depuis, plusieurs tentatives de négociations ont échoué et ces engagements sont demeurés lettre morte. Un communiqué commun issu des négociations de Genève de mardi indique que les délégations ont rencontré les représentants des FSR, rappelant « la nécessité de mettre en œuvre les engagements pris dans le cadre de la déclaration de Djedda ».

Les Forces armées soudanaises exigent le retrait des FSR de l’ensemble des territoires conquis, alors que les paramilitaires de « Hemetti » contrôlent de vastes parties du Soudan. Cette condition, à l’origine de l’absence du gouvernement à Genève, amenuise les espoirs que des décisions puissent être prises au-delà de l’élargissement de l’accès humanitaire. « Les négociations ont beaucoup progressé, mais nous sommes loin d’être satisfaits, déclarait Tom Perriello lundi. Il est évident que nous aimerions travailler sur la cessation des hostilités. » Au lendemain de l’ouverture des négociations, une attaque menée par des paramilitaires des FSR dans l’Etat de Sennar, dans le sud-est du Soudan, a fait 80 morts et des dizaines de blessés.

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