Moins de deux semaines après la signature d’un accord de coopération militaire au Caire entre les présidents égyptien et somalien, deux avions Lockheed C-130 de l’armée de l’air égyptienne se sont posés sur le tarmac de l’aéroport de Mogadiscio, le 27 août, pour y livrer des armes et y débarquer des officiers instructeurs. L’arrivée en force de l’Egypte en Somalie, qui est à couteaux tirés avec l’Ethiopie depuis le début de l’année, marque un pas de plus dans l’escalade militaire en cours dans la Corne de l’Afrique.
Ces derniers mois, le président somalien Hassan Cheikh Mohamoud multiplie les partenariats de défense pour se prémunir contre d’éventuelles actions de son voisin éthiopien, qu’il accuse « d’agression » et de « violation flagrante de sa souveraineté ». A l’origine de ces tensions régionales : l’accord maritime passé en janvier entre Addis-Abeba et la région séparatiste somalienne du Somaliland – qui a unilatéralement déclaré son indépendance, en 1991 – afin que la marine éthiopienne obtienne un accès à la mer.
Ce texte, qui entend louer à l’Ethiopie une bande de territoire de 20 kilomètres pour 50 ans, doit in fine déboucher sur une reconnaissance officielle de la République du Somaliland par le gouvernement éthiopien. Une ligne rouge pour Mogadiscio, qui tente donc de faire capoter le traité.
Si la Turquie, partenaire de longue date de la Somalie, a l’intention de déployer des bâtiments de sa marine pour sécuriser les eaux territoriales et les côtes somaliennes, y compris celles du Somaliland, c’est désormais un autre poids lourd de la région, l’Egypte, qui s’investit dans le golfe d’Aden. Le président Abdel Fattah Al-Sissi a promis de se porter garant de la souveraineté territoriale de la Somalie lors de la signature d’un accord militaire, le 14 août, dénonçant au passage les tentatives d’ingérence étrangère dans les affaires intérieures de Mogadiscio.
Un bras de fer diplomatique
En ce sens, Le Caire a fait part de sa volonté d’entraîner l’armée somalienne et de déployer quelque 5 000 soldats dans le cadre de la nouvelle mission de maintien de la paix de l’Union africaine (UA), l’Aussom, qui doit débuter le 1er janvier 2025. « L’Egypte est déterminée à déployer ses troupes avec ou sans l’autorisation de l’UA, confie un diplomate de l’organisation continentale. Ils veulent établir une présence en Somalie, non pas pour combattre les Chabab [groupe djihadiste affilié à Al-Qaida], mais bien pour faire contrepoids à l’influence éthiopienne. »
Depuis une décennie, l’Egypte et l’Ethiopie s’affrontent à propos du barrage de la Renaissance sur le Nil, le plus grand ouvrage hydraulique d’Afrique, dont Addis-Abeba a achevé la construction cette année. Un bras de fer diplomatique qui a pour enjeu la gestion et le partage des eaux du Nil – dont l’Egypte dépend à 97 % dans ses besoins en eau.
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