A quelques semaines de l’élection présidentielle anticipée, prévue samedi 7 septembre, Abdelmadjid Tebboune a fait un nouveau cadeau à l’armée algérienne. Le 27 juin, le chef de l’Etat, candidat à sa réélection, a signé un décret permettant à des officiers d’« occuper certaines fonctions supérieures de l’Etat au sein des secteurs stratégiques et sensibles en termes de souveraineté et d’intérêts vitaux pour le pays ».
En théorie, la mesure pourrait permettre l’utilisation dans le domaine civil des diverses compétences de hauts gradés de l’armée. Mais, dans les faits, celle-ci devrait se traduire par une « influence accrue de l’armée dans les sphères civiles de l’Etat », prévient Akram Kharief, spécialiste des questions de défense, dans un article publié sur le site de la Fondation Rosa Luxemburg.
La revendication du Hirak, mouvement de contestation pacifique du régime entamé le 22 février 2019 en rejet d’un cinquième mandat d’Abdelaziz Bouteflika, d’un « Etat civil, non militaire » – qualifiée de volonté de « détruire les fondements de l’Etat » par l’ancien chef d’état-major de l’armée, Ahmed Gaïd Salah, mort en décembre 2019 – semble aujourd’hui hors de portée.
Plus personne n’ose désormais, en Algérie, aborder le rôle de l’armée, dont le poids n’a jamais été aussi visible. Les menaces extérieures comme intérieures, incarnées par le Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie et le mouvement islamo-conservateur Rachad, tous deux classés « terroristes » par les autorités, sont dramatisées. En corrélation avec ces menaces présumées, le budget accordé à la défense est passé à près de 20 milliards d’euros en 2023, soit la première dépense du pays.
Tenir sa présence hors du débat public
Pour l’armée, l’enjeu a été, au cours de ces dernières années, de restaurer l’unité du commandement et, surtout, de rétablir la ligne rouge qui interdit de débattre de son rôle sur la scène publique. Celle-ci avait commencé à être franchie dans les médias après la prise d’otages menée par des djihadistes contre le complexe gazier de Tiguentourine, en janvier 2013.
A l’époque, les dissensions entre le général Ahmed Gaïd Salah, chef d’état-major de l’armée, également vice-ministre de la défense, et le puissant département du renseignement et de la sécurité (DRS, ex-sécurité militaire), dirigé depuis 1990 par le général Mohamed Mediène, dit « Toufik », étaient souvent évoquées dans la presse. L’ancien secrétaire général du Front de libération nationale (FLN), Amar Saadani, avait lui aussi lancé de virulentes attaques contre le général Toufik, lequel avait fini par être mis à la retraite le 13 septembre 2015.
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