Bercy, le pire poste du prochain gouvernement ?

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Les grands parallélépipèdes vitrés de Bercy ne sont certes pas les locaux les plus prestigieux de la République. Cela n’empêche pas le poste de ministre de l’Économie d’être l’un des plus convoités. Pourtant, c’est loin d’être une partie de plaisir. Certains anciens locataires de Bercy ne manquent pas de le rappeler régulièrement. Il y a ceux qui ont connu des crises, ceux qui ont dû infliger une cure d’austérité au pays, ceux qui ont dû assurer le service après-vente lors de la dégradation de la note de la France par les agences de notation.

Pour l’instant, le nom du successeur de Bruno Le Maire est inconnu, mais une chose est sûre : sa tâche, comme celle de ses prédécesseurs, ne sera pas facile. Loin de là. Pour le moment, le nouveau ministre de l’Économie n’aura pas à affronter une crise économique, mais il va arriver au moment où nos finances publiques ressemblent à un volcan bouillonnant. Il suffirait d’un rien pour que tout explose…

La France, cancre de la classe européenne

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. D’ici à la fin du quinquennat de Macron, la dette devrait avoir flambé de 1 000 milliards d’euros. Selon les derniers chiffres de l’Insee, elle s’élevait à 110,7 % du produit intérieur brut, soit 3 159,7 milliards… Le déficit pourrait, quant à lui, atteindre cette année 5,6 % du PIB (contre 5,1 % initialement attendus), selon une récente note du Trésor. L’an prochain, à politique inchangée, il dépasserait les 6 %. Un gouffre !

À LIRE AUSSI Le nouveau Premier ministre face au risque de censure des marchésSi nous nous comparons à nos voisins européens, qui ont presque tous fait des efforts pour rentrer dans le rang après la crise du Covid, nous sommes le cancre de la classe… Évidemment, nous sommes loin des promesses faites à Bruxelles, qui n’a pas hésité à nous mettre au coin avec l’ouverture d’une procédure pour déficit excessif. Les agences de notation, qui vont revoir notre note à l’automne, ne nous épargneront pas non plus au moindre doute sur notre solidité. Notre dégradation en juin dernier par S&P l’a bien montré.

Le budget 2025 en retard

Nos engagements européens et les agences de notation ne sont pas les seuls à nous ramener à la réalité. « C’est aussi notre intérêt national : la charge de la dette publique nous coûte de plus en plus cher, elle sera passée de près de 30 milliards d’euros en 2020 à plus de 80 milliards en 2027. Ces 50 milliards supplémentaires que nous devrons dépenser chaque année pour payer le passé, c’est plus que le budget actuel de la défense ! » alertait il y a quelques semaines François Villeroy de Galhau, le gouverneur de la Banque de France.

Et il va falloir faire vite. Le nouveau ministre de l’Économie n’aura même pas le temps de redécorer son bureau avant la première échéance, le budget 2025, car il est déjà en retard. Le texte était censé être présenté à l’Assemblée nationale le 1er octobre… Mais il pourrait arriver seulement le 9 octobre, selon Matignon. Le nouvel exécutif va, en effet, devoir imprimer sa patte sur le budget préparé par l’équipe sortante.

Michel Barnier, le nouveau Premier ministre, a ainsi déjà indiqué qu’il ne s’interdisait pas de hausses d’impôts, au grand dam de l’exécutif sortant. Puis le texte devra passer par le Haut Conseil des finances publiques et par le Conseil d’État. S’ouvrira alors une autre phase, qui n’en sera pas moins délicate : faire adopter un budget par une Assemblée hétéroclite. En effet, si celui-ci est rejeté d’ici à la fin de l’année, nous entrerons dans une « zone grise » non prévue par la Constitution ou la loi organique relative aux finances publiques.

Potion amère

Vite. Et fort. Pour être dans les clous, ce sont plus de 100 milliards d’économies qui sont à trouver dans les prochaines années, en baisse de dépenses ou hausses d’impôts. « L’effort est conséquent, surtout dans un contexte qui n’est pas très porteur, avec une croissance plutôt modeste, souligne Mathieu Plane, directeur adjoint du département analyse et prévision de l’OFCE. Même si la baisse des taux lancée par la Banque centrale européenne est une bonne nouvelle pour la conjoncture, l’environnement international n’est pas très favorable. »

Selon les dernières prévisions de la Banque de France, la croissance s’élèverait l’an prochain à 1,2 %. Le risque, si la potion est trop amère, est bien évidemment de freiner trop brutalement la croissance… et de provoquer une augmentation du déficit via la baisse automatique des recettes et la hausse mécanique des dépenses.

Éviter les Gilets jaunes

Mais ce n’est pas le seul enjeu. « Pour le prochain ministre, les écueils sont nombreux : il ne faudrait pas remettre en cause la politique de l’offre, qui nous a permis de converger vers les taux de prélèvement de nos voisins européens, mais pas non plus déclencher de mouvements politiques du type Gilets jaunes, analyse Olivier Redoules, directeur des études chez Rexecode. Les mesures complètement indolores n’existent pas, mais il faudra essayer de maximiser les gains et de minimiser les pertes. »

Autre joker dans la poche de Bercy pour résoudre l’impossible équation budgétaire des prochaines années : mettre en place des politiques procroissance pour booster notre produit intérieur brut et donc diminuer mécaniquement le ratio dette sur PIB. Mais il serait optimiste de compter seulement sur cette technique, qui est celle sur laquelle misait le gouvernement sortant depuis plusieurs années…


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