Au Mali, l’armée et le Groupe Wagner manœuvrent dans la région de Kidal

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Les deux convois de l’armée ne sont pas passés inaperçus dans le désert. Surveillés par les rebelles indépendantistes du Cadre stratégique permanent (CSP), ils ont quitté Gao, dans le nord-est du Mali, à quelques jours d’intervalle. Direction le nord et Kidal, fief historique des rébellions touareg.

Après un trajet laborieux ralenti par d’importantes pluies qui ont endommagé les pistes, à l’affût de la moindre embuscade, le premier est arrivé au camp de Kidal le jeudi 12 septembre. En tout, une cinquantaine de véhicules : des camions, des pick-up et près d’une vingtaine de blindés. Le second, un peu moins conséquent, a franchi les portes du camp le 19 septembre. Là encore, plus d’une vingtaine de véhicules militaires.

Ces derniers, visibles sur des images satellites vérifiées par Le Monde, ont aussi été remarqués par le compte spécialisé @casusbellii sur le réseau social X.

A bord de ces convois, des soldats maliens et des mercenaires russes du Groupe Wagner. Leur nombre, difficile à estimer, serait de quelques centaines. Ont-ils été envoyés à Kidal dans le cadre de la célébration de la fête de l’indépendance, le 22 septembre, ou en vue d’opérations à venir ? Plusieurs sources, tant au sein de l’armée que parmi les rebelles du CSP, estiment que leur objectif pourrait être de prendre Tin Zaouatine, à la frontière algérienne, et de laver l’affront qu’ils y avaient subi fin juillet.

A l’époque, les Forces armées maliennes (FAMa) et leurs supplétifs russes étaient tombés dans des embuscades des rebelles du CSP puis des djihadistes du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM, affilié à Al-Qaida). Le bilan avait été sanglant : au moins 47 soldats maliens et 84 mercenaires de Wagner, d’après un communiqué du CSP.

Après la prestigieuse reprise de Kidal aux rebelles touareg, en novembre 2023, cette défaite de Tin Zaouatine ressemblait à une gifle pour la junte du colonel Assimi Goïta, qui a fait de la reconquête du territoire national l’une de ses priorités depuis qu’elle a pris le pouvoir par un coup d’Etat, en 2020. Mais aussi pour le Groupe Wagner, qui, en plusieurs années de déploiement en Afrique, n’avait jamais essuyé de telles pertes sur le continent.

« C’est une défaite qui a fait mal. Depuis, Tin Zaouatine est devenu un enjeu symbolique », glisse un officier malien. Dans les jours qui avaient suivi, le groupe paramilitaire russe avait envoyé des renforts à Bamako. D’aucuns pressentaient déjà qu’ils étaient destinés à retourner venger leurs frères d’armes tombés dans l’extrême-nord du Mali.

Un camouflet pour Wagner

Pour le colonel Goïta et ses alliés russes, la nécessité de remporter une victoire éclatante est d’autant plus urgente qu’il faut laver une autre humiliation : le double attentat de Bamako, le 17 septembre, qui a fait au moins 70 morts et 200 blessés dans les rangs des forces de défense et de sécurité – soit l’un des pires bilans de ces dernières années. Ce jour-là, deux commandos du GSIM ont attaqué une école de gendarmerie dans le centre de la capitale et l’aéroport, où d’importants dégâts (quatre avions militaires détruits et l’avion présidentiel incendié) ont été faits par les djihadistes après qu’ils en ont pris le contrôle pendant quelques heures.

Cette attaque a aussi été un camouflet pour Wagner, qui dispose d’un détachement logistique sur la base 101 de l’armée de l’air jouxtant l’aéroport. Ses hommes présents sur place, pas plus que les soldats maliens, n’ont réussi à repousser l’attaque. Selon une source militaire malienne, une dizaine de mercenaires russes ont été tués à l’aéroport.

« Les FAMa ont intérêt à tenter une opération pour redorer leur blason », estime Jean-Hervé Jézéquel, directeur Sahel à l’International Crisis Group (ICG). En fin de semaine dernière, un convoi d’une quarantaine de véhicules est arrivé à Aguelhok, à 130 km à vol d’oiseau au nord de Kidal. Face à une éventuelle offensive d’envergure de l’armée, les rebelles du CSP, qui se réorganisent depuis qu’ils ont été chassés de Kidal, fin 2023, se disent prêts et restent sur leurs gardes. « On les surveille », commente sobrement un commandant rebelle.

De l’autre côté de la frontière, ces mouvements de troupes ne sont pas bien vus par les dirigeants algériens, en conflit larvé avec les autorités de transition maliennes depuis plusieurs mois. Alger ne souhaite pas voir des troupes étrangères se regrouper à quelques kilomètres de sa frontière et redoute d’éventuels troubles. Fin juillet et début août, l’armée de l’air malienne, avec l’appui de ses alliés burkinabés, avait mené plusieurs frappes de drones dans la région de Tin Zaouatine, poussant des centaines de civils à se réfugier en urgence du côté algérien.

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