« La démocratie offre plus d’opportunités que les régimes militaires »

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Nana Akufo-Addo, 80 ans, le président du Ghana, s’est rendu en France les 4 et 5 octobre à l’occasion du Sommet de la francophonie. Engagé dans une politique de rapprochement avec ses voisins francophones, son pays (anglophone), observateur depuis 2006, est devenu membre de plein droit de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) cette année.

L’élection présidentielle au Ghana a lieu le 7 décembre. A son issue, vous allez rendre votre tablier après deux mandats à la tête du pays. Savez-vous de quoi votre avenir personnel sera fait ?

On verra… J’ai le temps (rires). Ma priorité, c’est la transition au Ghana, et je suis certain qu’elle sera pacifique. J’espère que mon actuel vice-président, Mahamudu Bawumia, sera mon successeur. C’est un bon candidat avec de bons messages pour les Ghanéens.

Votre successeur aura à gérer la crise avec les pays du Sahel sous transition militaire. L’Alliance des Etats du Sahel (AES), qui regroupe le Mali, le Burkina Fao et le Niger, représente-t-elle selon vous un danger en Afrique de l’Ouest ?

L’AES déstabilise notre région, il n’y a aucun doute là-dessus. La Cedeao [Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest], qui rassemble des pays démocratiques, a perdu quatre de ses membres – la Guinée a été suspendue après le coup d’Etat de septembre 2021 mais n’a pas rejoint l’AES –, qui ont choisi de prendre une autre voie. Je ne vois pas comment cela peut les mener vers une solution positive. Le chemin de la consolidation démocratique offre beaucoup plus d’opportunités, à la fois pour la stabilité de leur nation et pour leur développement économique.

La Cedeao a d’abord menacé les juntes au Sahel d’intervention militaire puis a joué la carte de la négociation. Aucune n’a abouti. Comment pensez-vous que les pays de la région peuvent trouver un terrain d’entente avec ces régimes ?

On doit continuer à dialoguer. Des ponts existent. Il y a des contacts de personne à personne. Nous devons poursuivre ces efforts. Nous ne pouvons pas abandonner.

Vous êtes frontalier du Burkina Faso. Craignez-vous une arrivée de terroristes dans le nord du Ghana ? Faites-vous confiance aux autorités burkinabées pour maintenir la sécurité ?

Nous sommes toujours inquiets, comme vous pouvez l’être à Paris, que des terroristes planifient des attaques. La solution passe par un travail en commun avec le Burkina Faso. Nous n’avons pas le choix, c’est notre voisin.

Au Niger, le président Mohamed Bazoum est retenu depuis juillet 2023 par les militaires qui l’ont renversé. Comment sortir de cette situation ?

C’est inacceptable. Nous continuons de condamner son emprisonnement. Je le rappelle : un président élu démocratiquement traité de cette façon par des militaires est inacceptable ! Nous continuons de nous mobiliser pour sa libération.

Etre membre de l’OIF, est-ce une façon de se rapprocher de la France, sur le plan économique notamment ?

Oui, c’est inévitable. La France est l’acteur principal de cette organisation. Mais nous avons des liens déjà très étroits, que nous continuons de développer. La France et l’Union européenne sont des alliés importants du Ghana. Nous cherchons à faire du Ghana un pays officiellement bilingue, en rendant obligatoire l’apprentissage du français dans nos écoles. C’est pour nous primordial car si vous vivez à Accra, vous n’avez pas à voyager longtemps pour vous retrouver à Lomé, en zone franc CFA. Si vous vivez à Tamale, vous n’êtes pas loin de Ouagadougou. Même chose du côté de la frontière ivoirienne avec Abidjan. L’avenir de l’Afrique passe par l’intégration économique régionale.

Le Ghana a reçu, le 4 octobre, l’autorisation de restructurer et échanger 13 milliards de dollars de dettes par plus de 90 % des détenteurs d’obligations. Est-ce une victoire personnelle et un exemple pour d’autres économies africaines qui se trouvent en défaut de paiement ?

J’espère que le Ghana a créé un précédent. Déjà parce que nous avons négocié en un temps record. Ensuite, en raison de l’étendue de l’allègement de notre dette. Cette décision vient aussi récompenser les sacrifices que les Ghanéens ont consenti à faire. Ces deux dernières années n’ont pas été faciles pour eux. Mais c’est la raison pour laquelle les retombées sont si élevées ; nous parlons d’une réduction de la dette commerciale de 37 %. Notre dette représentait 74 % de notre PIB, elle est maintenant de 64 %. Et nous devrions atteindre les 55 % en 2028.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés L’Afrique retombe dans le piège de la dette

Le Ghana subit une inflation, notamment due à la sécheresse dans le nord du pays, qui affecte la production agricole. Demandez-vous une nouvelle architecture mondiale de financement permettant aux pays africains de faire face aux défis liés au changement climatique ?

C’est très clair. Il doit y avoir une refonte du système de taxation internationale. Les rapports économiques entre les pays africains et les organisations multilatérales doivent être plus équilibrés. Cela fait des années que nous le demandons. Cela aurait dû être fait depuis longtemps.

Pourquoi cela prend-il autant de temps ?

Parce que les grandes puissances ne le veulent pas. Mais nous devons continuer de nous battre car rien ne vous est donné sur un plateau d’argent.

La France et le Kenya promeuvent la mise en place d’une taxe internationale comme levier de financements innovants pour le climat. Pensez-vous qu’ils ont une chance de réussir ?

Ils le doivent. C’est important pour l’avenir du continent. Nous soutenons entièrement les présidents Emmanuel Macron et William Ruto.

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