« Le sujet des retraites est une fois de plus mal traité »

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Le gouvernement Barnier a présenté jeudi 10 octobre son projet de loi de finances 2025 (PLF). Au programme : coups de rabot et gourmandise fiscale. Le Point a interrogé Nicolas Marques de l’Institut Molinari.

Le Point : Michel Barnier vient de présenter le budget 2025. Que pensez-vous des ambitions affichées ?

Nicolas Marques :Le changement de gouvernement s’accompagne d’un audit critique des finances publiques et de mesures d’urgence. Alors que plus personne n’accordait de crédibilité à la stratégie française de redressement des finances publiques, cette séquence accrédite l’idée que les déficits et la dette sont enfin pris au sérieux. Faire différemment aurait montré qu’en dépit des changements, les gouvernements n’accordent plus d’importance aux finances publiques. Cela aurait heurté nos partenaires européens et nos prêteurs. Il est clef qu’ils aient l’impression que nous n’avons pas renoncé, que le gouvernement français tente de résorber les dérapages financiers, même si sa démarche n’est pas à la hauteur des enjeux.

D’après le gouvernement, ce texte prévoit plus d’économies que de hausses d’impôts. Il semble que vous ne partagiez pas cette analyse.

C’est faux de prétendre qu’il y aurait 40 milliards d’économies et seulement 20 milliards de hausses d’impôts. Dans les réductions de dépenses le gouvernement a compté 5 milliards de hausses d’impôts. Son plan comporte au mieux 35 milliards d’économies, dont la réalisation est sujette à caution, et 25 milliards de fiscalité supplémentaire.

Le coût pour les ménages sera bien plus élevé que les 6 milliards de hausses d’impôts affichés, car toute une série de mesures annoncées retomberont sur les ménages. Si les allégements de charges sociales sont réduits (4 milliards) et si la baisse des impôts de production est ralentie (1,1 milliard) l’emploi et les salaires progresseront moins vite. Si EDF est ponctionné par l’État (2 milliards), l’électricité sera plus chère. Si les niches sociales diminuent (700 millions), les salaires nets diminueront. Le gouvernement se trompe lorsqu’il prétend que l’essentiel des hausses d’impôts sera assumé par les entreprises, car la majorité de la fiscalité ciblant les entreprises est reportée sur leurs salariés ou leurs consommateurs, donc sur les ménages.

Parmi les annonces, quelle mesure vous paraît-elle structurante ?

Le gouvernement use des palliatifs habituels avec un plan à court terme sans leviers qui permettraient de réduire la dépendance française aux prélèvements obligatoires. Le volet « économies » est constitué en grande partie de dépenses retardées (retraites, gels de budgets…). Les 40 milliards d’euros affichés sont calculés par rapport à la progression naturelle des dépenses et intègrent des hausses d’impôts, en particulier le rabotage des allégements de cotisations sociales en faveur de la compétitivité et du pouvoir d’achat (4 milliards). Les hausses d’impôts – qui dépassent les 20 milliards sur lesquels le gouvernement communique – sont censées être provisoires, mais seront probablement durables faute de mesures structurelles.

Le sujet des retraites semble tabou. Et pourtant, s’y attaquer permettrait de dégager des économies importantes…

Le sujet des retraites est une fois de plus mal traité alors qu’il représente la moitié de la hausse des dépenses publiques et des déficits sur la longue période. Depuis trente ans, les pouvoirs publics multiplient les mesures paramétriques dans l’espoir de réduire cet emballement. Révision du mode de réévaluation, augmentation du nombre de trimestres à travailler, recul de l’âge… Mais le vrai enjeu en matière de retraites est ailleurs. Il est de créer plus de richesses en généralisant des capitalisations collectives pour épauler la répartition à la peine. À ce stade, seuls les fonctionnaires disposent d’un fonds de pension (ERAFP) dont les résultats sont bons. Généraliser la capitalisation collective permettrait d’avoir plus de retraite à prélèvements obligatoires constants. Des cotisations seraient placées et rapporteraient des recettes qui autofinanceraient une partie des retraites. Tant que nous ne ferons pas cela, nos cotisations sociales seront plus élevées qu’ailleurs, handicaperont la compétitivité et le pouvoir d’achat et nous aurons éternellement besoin de dispositifs de baisse de charges creusant les déficits.

Quels sont les risques majeurs si aucune réforme des retraites n’est mise en place ?

Au-delà du dérapage structurel des comptes publics, les retraités futurs vont avoir un pouvoir d’achat réduit si l’on ne généralise pas la capitalisation collective. Selon les projections du Conseil d’orientation des retraites, les retraités auront un pouvoir d’achat en recul de 17 % par rapport au reste de la population. Le tout répartition ne permet plus de financer des retraites généreuses. D’où l’importance sociale de généraliser la capitalisation collective, seule solution pour éviter la paupérisation des retraités et l’envol des inégalités.

Et en parallèle, la population continue à vieillir et les besoins en financement de santé, ou d’accompagnement vont augmenter…

Oui, toute une série de besoins collectifs sont mal couverts, notamment parce que le tout répartition alourdit le coût de financement des retraites et mobilise les recettes fiscales qui manquent ailleurs. Si nous étions dans la moyenne des pays développés, nous aurions 80 milliards d’euros de dividendes et plus-values chaque année pour financer les retraites. À prélèvements obligatoires inchangés, il y aurait beaucoup plus d’argent pour financer les autres dépenses publiques, et notamment la santé et la dépendance.


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