Le langage du corps peut tromper. Mais celui utilisé par Emmanuel Macron, vendredi 4 octobre, sur le tapis rouge du château style Renaissance de Villers-Cotterêts (Aisne), en ouverture du XIXe Sommet de la francophonie, exprimait assez clairement la tiédeur des relations entre Paris et Kinshasa.
Félix Tshisekedi, président de la République démocratique du Congo (RDC) – pays le plus peuplé de l’espace francophone avec près de 100 millions d’habitants –, a eu droit à des salutations polies ; là où le chef de l’Etat français et son épouse accueillirent avec force embrassades complices le couple présidentiel rwandais. L’ennemi juré du voisin congolais sur le sol duquel, dans l’est de la RDC, l’armée rwandaise est directement engagée depuis trois ans aux côtés des rebelles du M23.
Le lendemain de cet accueil mitigé, Félix Tshisekedi boycottait d’ailleurs le huis clos réservé aux membres de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF). Il quittait prématurément le sommet et la France « sur une très mauvaise impression », direction Kinshasa, « fâché contre Emmanuel Macron », confiait un membre de la délégation congolaise. « On ne peut pas prétendre jouer un rôle de médiation dans la crise [au Nord-Kivu] et prendre ainsi parti », ajoutait-il.
Cette accusation de partialité découle de ce que les Congolais ont perçu comme « une omission coupable », confie un ministre de la RDC. En l’occurrence, la non-évocation « volontaire », selon ce responsable, dans le discours d’ouverture d’Emmanuel Macron de « la plus grande crise africaine de l’espace francophone ». Autrement dit la guerre au Nord-Kivu qui, au-delà du chaos sécuritaire impliquant des dizaines de groupes armés, provoque une situation humanitaire aiguë avec plus d’un million de personnes déplacées en trois ans et des centaines de morts.
Ligne rouge
Pourtant, confie un officiel congolais, « Villers-Cotterêts a failli nous contenter ». Félix Tshisekedi a ainsi été reçu en tête-à-tête par son homologue français pendant une heure et demie, vendredi, comme Paul Kagame, le lendemain. En conférence de presse, Emmanuel Macron avait repris quasiment mot pour mot le passage de la déclaration finale soutenant la RDC. Cet article, que le Rwanda a d’ailleurs refusé de valider, condamne « toute intervention militaire étrangère non autorisée et demand[e] le retrait immédiat des forces militaires non autorisées par le gouvernement de la RDC sur son territoire ».
Mais devant les journalistes, Emmanuel Macron est allé un peu plus loin. Un peu trop selon Kinshasa en appelant « à la reprise d’un processus politique avec le M23 ». Il franchissait là une ligne rouge, intangible jusqu’à présent, tirée par les Congolais. « Nous sommes en discussion avec l’Etat du Rwanda, pas avec les terroristes du M23 auxquels nous n’accorderons pas de statut particulier », explique fermement le porte-parole du gouvernement congolais, Patrick Muyaya.
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