Ils ont beau être présentés comme « 100 % naturels », l’Attote et la Paix Cognon-Mousso, deux stimulants agissant contre les troubles de l’érection, viennent de rejoindre la liste des médicaments interdits en Côte d’Ivoire. Dans une note publiée jeudi 11 avril, l’Autorité ivoirienne de régulation pharmaceutique (AIRP) a annoncé la suspension de la fabrication et de la commercialisation de ces deux produits, après des tests révélant « la présence d’importantes quantités de sildénafil ».
Alors que la dose maximale autorisée de ces génériques du Viagra pour un comprimé se situe entre 50 et 100 mg, les échantillons d’Attote et de Cognon-Mousso testés par l’AIRP dépassent « 5 à 10 fois la teneur réglementée », révèle le docteur Jean-Marie N’Guessan Bosson, sous-directeur de l’inspection nationale au sein de l’autorité régulatrice.
« La consommation de ces produits frelatés, surdosés au sildénafil, entraîne des maux de tête et des vertiges. Chez les patients hypertendus ou présentant des risques cardiovasculaires, des AVC, des crises cardiaques voire la mort subite peuvent intervenir », détaille dans la note le docteur Assane Coulibaly, directeur de l’AIRP.
Commercialisés sans mentionner la liste des ingrédients utilisés, ces produits se présentent pourtant comme naturels, issus de décoction de plantes, de racines ou d’écorces. C’est d’ailleurs à ce titre qu’ils bénéficiaient jusqu’ici de leur agrément par l’AIRP. « Des produits obtenus par chimie de synthèse ne peuvent pas provenir de plantes », tranche M. N’Guessan Bosson qui justifie leur retrait du marché pour endiguer un « problème de santé publique ».
Nocivité de ces stimulants coupés au sildénafil
Apparus il y a une décennie dans le quotidien des Ivoiriens, ces deux aphrodisiaques sont en effet ingérés le plus souvent sans avis médical. Vendus sous forme de comprimés ou de boissons sur les marchés et dans de petites boutiques aux environs de 2 500 francs CFA (près de 4 euros), ils sont également disponibles sur Internet.
En cherchant sur le catalogue du leader mondial de l’e-commerce, Amazon, on tombe ainsi sur un large choix de jus d’Attote et de comprimés de Cognon-Mousso, fabriqués à Korhogo, dans le nord du pays. Le sildénafil ajouté, lui, proviendrait d’Inde et de Chine.
Depuis la publication de la note de l’AIRP, des messages s’opposant à la suspension de la vente de ces stimulants essaiment sur les réseaux sociaux en Côte d’Ivoire, entre souci affiché de préserver la paix des ménages et défense de la pharmacopée traditionnelle, victime des « grandes firmes pharmaceutiques occidentales ».
« Il ne s’agit pas d’une chasse. Les médicaments de la médecine moderne sont tout aussi contrôlés et s’il s’avère qu’ils représentent un risque majeur pour la santé, nous n’hésitons pas à les retirer du marché », rétorque le docteur N’Guessan Bosson. Selon lui, la nocivité de ces stimulants coupés au sildénafil a été prouvée de manière « rigoureuse et indépendante ». Et d’ajouter que les producteurs de l’Attote et du Cognon-Mousso peuvent faire un recours auprès du comité de régulation de l’AIRP en apportant la preuve de l’absence de produits de synthèse dans leurs médicaments.
L’Afrique, continent des produits contrefaits
Dans l’attente, les commerçants ont reçu l’ordre de retirer les deux produits et de les renvoyer à leurs fabricants pour destruction. Selon Jean-Marie N’Guessan Bosson, les opérations de police seront intensifiées afin de contrôler la mise en œuvre de l’interdiction.
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En Côte d’Ivoire, où près de 40 % de la population se fournit en médicaments hors des pharmacies, cette interdiction révèle le difficile équilibre du gouvernement qui cherche à valoriser sa pharmacopée traditionnelle, riche d’une cinquantaine de plantes curatives répertoriées, tout en serrant la vis face à la prolifération de faux médicaments.
Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’Afrique subsaharienne, qui concentre 42 % du trafic mondial, constitue la région du monde où la circulation de ces produits contrefaits est la plus active. Sur le continent, ceux-ci provoquent chaque année le décès de près de 100 000 personnes. Entre 2016 et 2018, plus de 380 tonnes de faux médicaments ont été saisies par les autorités ivoiriennes.