Le diocèse de Paris a découvert l’affaire par hasard cet hiver. En déposant un permis de construire, l’architecte chargé du projet de restructuration d’une école catholique de la capitale s’est aperçu que des établissements privés avaient été « pastillés » par la municipalité. Comprendre par là que la Ville nourrit le projet de voir éclore, à terme, du logement social à ces emplacements.
Une grande concertation avait bien été lancée en 2022, carte des parcelles visées à la clé, mais l’Eglise est passée à côté. « Et la Ville n’a pas pris contact pour nous prévenir », déplore Jean-François Canteneur, le directeur diocésain de l’enseignement catholique de Paris. Après quelques recherches, il a découvert que huit écoles étaient finalement concernées, et parmi elles Saint-Jean-Gabriel, dans le 4e arrondissement, Sainte-Marie-Sion, dans le 6e arrondissement, ou les établissements Sainte-Clotilde et Saint-Michel-de-Picpus (12e).
En quoi ce « pastillage » consiste-t-il ? Il s’agit d’un outil à la disposition des communes, en vue de réaliser du logement, et tout particulièrement du logement social. La Mairie de Paris s’en est emparée pour tenter de retenir des classes populaires dans la capitale, chassées par la hausse forte et continue des prix de l’immobilier et des loyers, et alors que, depuis 2012, la population parisienne décroît régulièrement. Lorsque la Ville inscrit des immeubles sur sa liste des « emplacements réservés » (autre dénomination des pastilles), les propriétaires, en cas de gros travaux ou d’extension dans leur immeuble, doivent affecter une partie des surfaces à des logements sociaux. « Pour que les permis de construire soient délivrés, il faudra que le bout de programme en faveur du logement social, déterminé par la pastille, s’applique », explique Charles-Antoine Depardon, le conseiller urbanisme d’Emmanuel Grégoire, premier adjoint à la maire de Paris.
Les quartiers chics visés
Si la pratique n’est pas nouvelle – la capitale y a eu recours régulièrement depuis 2006 –, la Ville a changé de braquet, à l’occasion de la révision cette année de son plan local d’urbanisme (PLU), qui réglemente les constructions. La ville n’avait « pastillé » que 416 parcelles depuis 2006. Elle en a réservé cette fois 947, multipliant par près de deux et demi le nombre de pastilles. Elle en attend la production de 12 000 logements, essentiellement sociaux, d’ici à 2035.
Aucune adresse n’a été taboue. Les Champs-Elysées, la rue de la Paix, la place de la Madeleine ou l’île Saint-Louis se sont vu apposer des pastilles. Aux nombreux détracteurs, Jacques Baudrier, adjoint à la maire chargé du logement, répond qu’il y a « du sens à faire du logement social partout à Paris, surtout dans des secteurs en hyperdéficit. Les Champs-Elysées sont un secteur où on observe le plus fort taux de vacance, plus personne n’y habite, ça devient même une question de sécurité ».
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