C’est du haut du balcon de l’usine de Wolfsburg, siège légendaire de Volkswagen, que Daniela Cavallo a annoncé la mauvaise nouvelle aux milliers de salariés massés à ses pieds. Cela fait des mois que la présidente du comité d’entreprise négocie avec la direction du groupe pour tenter de trouver une solution à la crise qui frappe dur le fleuron de l’industrie allemande, pourtant habitué à récolter les lauriers. Plus grand constructeur automobile d’Europe et premier employeur d’Allemagne, Volkswagen compte 600 000 salariés à travers le monde.
Le plan drastique destiné à réduire les coûts que la syndicaliste a révélé aux salariés montre pourtant que le géant a des pieds d’argile. Ainsi, trois usines sur les dix qui se trouvent en Allemagne sont menacées de fermeture et plusieurs dizaines de milliers de salariés risquent de perdre leur emploi. De leur côté, ceux qui resteront devront composer avec des baisses de salaire substantielles.
« Plus personne n’est en sécurité »
« Toutes les usines Volkswagen sont concernées par ce plan, a fait savoir Daniela Cavallo. Plus personne n’est en sécurité. » Volkswagen emploie 120 000 salariés en Allemagne, dont la moitié d’entre eux à Wolfsburg. Si le nom des usines concernées n’a pas été révélé, tout porte à croire que celle d’Osnabrück, en Basse-Saxe, sera la première touchée. Son carnet de commandes demeurera vide à partir de 2026, puisque Porsche (qui appartient au groupe Volkswagen) a décidé de ne pas y produire un de ses nouveaux modèles. Les usines de taille modeste de Dresde (Saxe) et d’Emden (Basse-Saxe) sont également dans le collimateur de la direction. « Des départements entiers seront fermés, a annoncé Daniela Cavallo, ou relocalisés à l’étranger. »
Volkswagen prévoit également une réduction des salaires de 10 % et un gel des hausses de salaire pendant deux années consécutives, en 2025 et 2026, ainsi que la suppression des primes. Selon le Comité d’entreprise, les salariés qui continueront à être embauchés par Volkswagen doivent s’attendre à des pertes de salaire de l’ordre de 18 %.
La réaction de l’IG-Metall, le puissant syndicat de la métallurgie, ne s’est pas fait attendre : « Ce plan d’une grande violence avancé par la direction est totalement inacceptable et constitue une césure avec la culture pratiquée par cette entreprise depuis des décennies. C’est un coup de poignard dans le cœur de ceux qui travaillent dur pour Volkswagen. » IG-Metall exige que la direction de Volkswagen renonce à ses « fantaisies de coupes à blanc » pour négocier avec les syndicats une stratégie d’avenir qui tienne la route.
La situation est critique, réplique la direction : « Sans mesures radicales pour rétablir la compétition, nous ne serons pas capables de financer les investissements du futur. »
L’effondrement d’un marché chinois si longtemps lucratif
Les raisons de cette crise annoncée sont multiples. En premier lieu, l’effondrement du marché chinois qui, depuis des décennies, garantissait des profits substantiels à Volkswagen. Les critiques pleuvent aujourd’hui sur le manque de discernement de la direction du groupe qui a tout misé sur le marché chinois dont il s’est rendu dépendant. Maintenant que les Chinois produisent leurs propres voitures à des prix concurrentiels, cette manne providentielle est en train de se tarir. D’autant que Volkswagen a pris du retard pour lancer sur le marché un modèle de petite voiture électrique bon marché destiné à l’usager moyen.
À cela s’ajoutent les retombées de la pandémie et l’augmentation du coût de l’énergie après le début de la guerre en Ukraine.
« On doit résoudre les problèmes autrement, réclame Christiane Benner, présidente d’IG-Metall, et ne pas faire porter le chapeau aux salariés qui ne sont pas responsables de la crise et des erreurs stratégiques commises au sommet du groupe. »
C’est demain (mercredi) que syndicats et direction se réuniront pour le deuxième round des négociations salariales. Lors du premier tour, au mois de septembre, la direction avait repoussé la demande d’augmentation « tout à fait irréaliste » de 7 % exigée par IG-Metall.
Un plan Marshall pour l’automobile
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Le chancelier Olaf Scholz en personne est intervenu pour exiger la garantie des emplois, tandis que le ministre président de la Bavière, Markus Söder, une des têtes de proue de l’opposition conservatrice qui risque de déloger les sociaux-démocrates aux prochaines élections, réclame un « plan Marshall pour l’automobile ». « Ces problèmes, confirme Daniela Cavallo, doivent être réglés par la politique. Elle aussi doit enfin se réveiller. Nous avons besoin d’une stratégie claire pour que l’électromobilité se développe enfin. Davantage de bornes de recharge publiques sur les routes et dans les villes, mais aussi un prix de l’électricité abordable. Nous avons aussi besoin d’une stratégie globale pour l’industrie allemande. »
Un coup de semonce en direction de la coalition nationale (sociaux-démocrates/verts/libéraux) qui bat de l’aile depuis des mois et n’arrive pas à se mettre d’accord sur une politique économique et industrielle commune. Pour preuve, le chancelier Scholz (SPD) et son ministre des Finances Christian Lindner (FDP) ont organisé aujourd’hui, et indépendamment l’un de l’autre, un mini-sommet économique.