C’est une information qui tombe mal en pleine période d’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), où les budgets des hôpitaux sont scrutés à la loupe pour vérifier qu’ils ne dépensent pas trop d’argent public. Selon nos informations, l’hôpital européen Georges-Pompidou (Paris, 15e), censé être un fleuron de l’hospitalisation française, s’est pris les pieds dans le tapis concernant la gestion de ses achats de matériel médical.
Lors d’un récent bureau de la Commission médicale de l’établissement, les médecins ont pris connaissance de cette nouvelle stupéfiante, assortie d’un chiffre qui leur a été communiqué discrètement par la direction. « Un excès de stockage inadapté » et « des commandes inadaptées dans certaines spécialités conduisent à plus de deux millions d’euros de perte financière au niveau de [l’]établissement », selon un document que Le Point a pu consulter.
L’existence d’erreurs dans le circuit logistique de l’établissement et ses conséquences notamment dans le service d’orthopédie avaient déjà été mentionnées dans l’édition du 17 juillet 2024 de l’hebdomadaire Le Canard enchaîné. Mais on ne connaissait pas, alors, l’ampleur des pertes financières réelles, ni surtout le caractère périssable de certains produits concernés.
Champ opératoire pour le bloc, pinces pour les opérations, prothèses…
« Ce qui s’est passé, c’est que les services achats et logistiques ont fait littéralement n’importe quoi. Il y a des caisses et des caisses de matériel qui s’entassent dans les couloirs depuis des semaines. Elles contiennent des champs opératoires pour le bloc, des housses pour protéger les microscopes d’opération, des pinces pour les opérations, des blouses, des gants, des prothèses. Mais certains de ses matériels arrivent à péremption. Les médecins viennent faire leur marché… C’est un gâchis incroyable. On n’a jamais vu un tel bazar », s’emporte un grand chirurgien. Il ne s’agit pas de médicaments, qui ne sont pas concernés par ce circuit d’achat. Sollicitée par Le Point, la direction de l’AP-HP n’a pas donné de réponse.
En réalité, pour une raison que personne ne s’explique pour l’instant, le service achat de l’hôpital Georges-Pompidou, qui a acheté en 2023 pour 3,5 millions d’euros de matériel médical, a décidé subitement de faire passer ses commandes à 5,7 millions d’euros en 2024, soit 2,2 millions d’euros de consommables en plus… Ceux-là mêmes qui s’entassent dans les couloirs et se retrouvent inutilisables.
Un audit externe commandé
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« Or, nous n’avons pas augmenté notre activité médicale, ce qui aurait pu justifier ces hausses des commandes. C’est juste une énorme erreur. Cela touche toutes les spécialités : l’urologie, la chirurgie viscérale, l’ORL. Vraiment, cette gabegie tombe mal. Tout le monde va encore penser que l’argent public est mal géré. On nous dit que c’est la faute des logisticiens, mais n’ont-ils pas bon dos ? » ajoute un autre praticien hospitalier de l’HEGP et membre de la Commission médicale d’établissement.
La direction avait déjà lancé un audit de la pharmacie de l’hôpital en 2023. Elle se trouve désormais au pied du mur. Aussi, un « audit externe » a été confié à une société extérieure à l’AP-HP pour comprendre ce qui a dysfonctionné.
