La récente décision prise par le ministère de la Justice de criminaliser les contenus jugés immoraux sur les réseaux sociaux divise l’opinion publique. Si certains estiment que cette décision est justifiée et qu’il faut sévir fermement d’autres considèrent que les peines de prison ne sont pas la solution pour lutter contre un phénomène dont le caractère négatif est discutable.
Le droit tunisien criminalise certains comportements sur les réseaux sociaux
Certains se sont interrogés sur l’existence d’une législation incriminant véritablement les contenus diffusés par ceux qu’on appelle les « créateurs de contenu ». A ce sujet, le juge et docteur en droit, Fared Ben J’ha, a précisé que l’article 86 du Code des télécommunications prévoit une peine de prison de deux ans pour quiconque porte atteinte à autrui via les réseaux sociaux.
Ben J’ha a également expliqué, lors d’une intervention sur Radio Jawhara FM aujourd’hui, que l’article 226 concerne également les actes publics contraires à la pudeur, prévoyant des sanctions à l’encontre de ceux qui enfreignent ses dispositions.
Il a ajouté que l’article 226 bis du Code pénal prévoit une peine de six mois de prison ainsi qu’une amende pour toute atteinte publique aux bonnes mœurs.
Ben J’ha a affirmé que le partage de tout contenu inapproprié expose son auteur à des poursuites judiciaires, car cela contribue à la diffusion de contenus dégradants et d’images offensantes pour les normes sociales.
Il a également exhorté les utilisateurs des réseaux sociaux à faire preuve de prudence, précisant que le législateur pourrait augmenter les peines pour suivre l’évolution des infractions électroniques.
Mesures contre les contenus immoraux
Rappelons que dans communiqué rendu public dimanche 27 octobre 2024, le ministère de la Justice annonce avoir pris les mesures nécessaires pour lutter contre les contenus immoraux sur TikTok et Instagram.
Le département indique que ces mesures interviennent à la suite de la propagation du phénomène de certains individus qui utilisent les réseaux sociaux, notamment « TikTok » et « Instagram », pour diffuser des contenus en contradiction avec les bonnes mœurs ou en employant des expressions, ou en apparaissant dans des postures indécentes contraires aux valeurs sociétales, susceptibles d’influencer négativement le comportement des jeunes utilisateurs de ces plateformes électroniques.
« La ministre de la Justice a autorisé le ministère public à prendre les mesures juridiques nécessaires pour contrer ces pratiques et à ouvrir des enquêtes pénales contre toute personne qui se livre volontairement à la production, à la diffusion ou à la publication de données informatives, d’images ou de vidéos contenant des contenus portant atteinte aux valeurs morales », a-t-on communiqué.
Une invasion de contenu médiocre sur TikTok et Instagram
En naviguant sur TikTok et Instagram en Tunisie, on observe une prolifération de contenus qui vont à l’encontre des valeurs et des mœurs tunisiennes. Certains qualifient même certains contenus présents sur ces plateformes de « prostitution publique ».
Sur ces réseaux, certaines « personnalités » ont choisi l’injure et la diffamation comme moyens d’atteindre une célébrité rapide, ce qui suscite un large mécontentement parmi les Tunisiens, qui appellent à l’établissement de limites légales pour réduire cette médiocrité.
Certains vont jusqu’à exiger des restrictions d’utilisation pour les moins de 18 ans, en raison des effets néfastes sur le développement psychologique et comportemental de cette tranche d’âge.
On observe également que cette médiocrité a été initialement véhiculée par certaines chaînes de télévision tunisiennes, bien avant d’envahir les téléphones. Certaines chaînes sont ainsi accusées de banaliser ces types de contenus auprès du public.
Depuis la « révolution », plusieurs chaînes se sont orientées vers des contenus superficiels, diffusés chaque samedi soir ou lors des festivités de fin d’année, rivalisant dans la dégradation de l’image médiatique tunisienne par des spectacles de nudité et un langage provocant.
De même, plusieurs plateformes médiatiques situées sur l’avenue Habib Bourguiba ont choisi de ridiculiser l’image des Tunisiens dans une quête de popularité sans considération pour l’impact de leur message sur la société.
Progressivement, ce contenu médiocre, autrefois cantonné aux chaînes de télévision tunisiennes, a envahi des plateformes comme TikTok, dont les algorithmes favorisent une popularité rapide, quel que soit le contenu. Résultat : le Tunisien est confronté, partout où il va, à des scènes qui ne font qu’aggraver l’image négative qui se répand dans le pays.