Les dépenses militaires européennes sont-elles suffisantes face à la menace russe ?

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Cet article a été initialement publié en anglais

Quelles sont les implications économiques de l’augmentation des dépenses de sécurité en Europe ? Euronews examine les avantages et les inconvénients du renforcement des budgets de défense face à la crise ukrainienne.

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L’invasion de l’Ukraine par la Russie en 2022 a provoqué une onde de choc dans toute l’Europe, entraînant une réévaluation des priorités en matière de sécurité et des stratégies de défense.

En réponse à l’escalade des tensions et à l’évolution du paysage géopolitique, la plupart des nations européennes se sont engagées sur la voie d’une augmentation des dépenses de défense et l’UE tente d’organiser un effort commun pour résoudre le dilemme de la sécurité continentale.

Une longue période de réductions des dépenses

Depuis la fin de la guerre froide, les pays européens ont réduit leurs dépenses de défense au profit d’investissements sociaux, infrastructurels ou technologiques. Selon le Fonds monétaire international, le total des dépenses de défense des économies européennes a été presque divisé par deux entre 1991 et 2015.

Jusqu’en 1991, les économies européennes majeures consacraient plus de 3 % de leur produit intérieur brut (PIB) à des objectifs militaires. Ce chiffre a été ramené à 1,6 % du PIB en 2015. 

Ce n’est qu’après l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014 que les dépenses de défense en Europe ont commencé à augmenter, mais de façon assez modérée. En 2019, l’Europe n’investissait toujours pas 2 % de son PIB, le seuil obligatoire en vertu des règles de l’OTAN.

L’attaque russe en Ukraine montre que la menace de la guerre plane toujours

Minna Ålander, chercheuse à l’Institut finlandais des relations internationales (FIIA), explique à Euronews : « Il est évident que les guerres ne sont plus un phénomène lointain ; les pays européens ne peuvent plus choisir quand et où s’impliquer« 

« Par conséquent, les forces armées réduites que la plupart des pays européens ont héritées de l’ère expéditionnaire ne sont plus suffisantes, que ce soit comme moyen de dissuasion contre l’agression de la Russie ou comme moyen de défense direct contre cette agression », précise-t-elle.

L’augmentation prévue des dépenses de défense en Europe atteint aujourd’hui celle de la phase finale de la guerre froide, selon les données publiées par l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm.

Edward Hunter Christie, fonctionnaire officiel de l’OTAN et chercheur principal à la FIIA, expose clairement les faits dans ses commentaires pour Euronews : « Les États européens ne peuvent approvisionner durablement l’Ukraine sans accroître leurs propres capacités et compétences industrielles en matière de défense »

« Dans le même temps, pour se préparer aux futures menaces russes, plus vastes, les États européens doivent eux-mêmes accroître leurs capacités de défense et leur préparation au combat », ajoute-t-il.

Les dépenses de défense doivent être augmentées

Compte tenu de la montée des menaces dans diverses régions, non seulement en Europe de l’Est, mais aussi en Europe du Nord, en Afrique subsaharienne et au Moyen-Orient, un niveau de dépenses de 2 % du PIB ne suffirait même pas à doter l’Europe d’une capacité défensive suffisante dans un avenir proche.

Liana Fix, chargée de mission pour l’Europe au David Rockefeller Studies Program, partage son avis sur la question : « Il est plausible que les niveaux de dépenses de défense en Europe atteindront bientôt ceux de la guerre froide, qui se situaient entre 3 % et 4 % du PIB pour de nombreux pays européens ».

Ces investissements offriront de nouvelles opportunités industrielles et technologiques à l’économie européenne, mais ils seront également source de tensions, car ils s’accompagneront nécessairement d’une baisse de dépenses dans d’autres aspects de la société, tels que les soins de santé, l’éducation et les infrastructures.

Comme l’indique Edward Hunter Christie, « une telle préparation est bien sûr coûteuse. Elle nécessite des budgets de défense nationaux plus élevés dans toute l’Europe ainsi qu’un financement plus important des politiques de soutien existantes ou nouvelles aux niveaux national et européen, en particulier pour soutenir la base industrielle de défense de l’Europe ».

Les dépenses de défense peuvent stimuler la croissance économique

L’augmentation des dépenses de défense peut être un moteur important de la croissance économique, en particulier dans les secteurs liés à la production et à la technologie de défense. Les contrats de défense et les projets d’acquisition créent des opportunités d’emploi, stimulent l’innovation et favorisent le développement d’industries de haute technologie

En outre, les investissements dans la défense ont souvent des effets multiplicateurs, générant des avantages secondaires pour les fournisseurs et les communautés locales.

Les dépenses de défense facilitent l’innovation technologique et la recherche, en stimulant les progrès dans des domaines tels que la cybersécurité, l’intelligence artificielle et l’ingénierie aérospatiale. Ces percées technologiques ne renforcent pas seulement les capacités militaires, mais ont également des applications plus larges dans les secteurs civils, contribuant ainsi à la compétitivité nationale globale et à la résilience industrielle.

D’un autre côté, l’augmentation rapide des budgets de défense peut également peser sur les finances nationales et aggraver les déficits budgétaires et les niveaux de la dette publique. Le maintien de dépenses militaires élevées sur le long terme nécessite une planification budgétaire minutieuse et peut s’accompagner de choix difficiles, notamment des hausses d’impôts, des réductions de dépenses ou des emprunts. 

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À terme, l’incapacité à gérer efficacement les pressions budgétaires peut nuire à la stabilité économique et à la confiance des investisseurs.

À l’heure actuelle, les pays européens géographiquement plus proches de la Russie ont adopté une approche plus proactive en matière de dépenses de défense.

Alexander Lanoszka, professeur associé à l’université de Waterloo, déclare à Euronews : « En partie à cause de leur proximité avec la Russie, la Pologne, les pays baltes et la Finlande se préparent intensivement depuis plus ou moins longtemps ».

Les politiciens allemands hésitent encore sur les niveaux de dépenses

Récemment, la France a assumé une position de leader sur la question de la défense européenne, comme l’explique Minna Ålander : « Emmanuel Macron semble avoir compris ce qui est en jeu si l’Ukraine venait à perdre cette guerre, et il a commencé à mettre le sujet sur la table en Europe. La France a également pris la tête du nouveau groupement tactique multinational de l’OTAN établi en Roumanie ».

La plus grande économie d’Europe, l’Allemagne, est quant à elle un peu plus en retrait sur la question de la défense européenne.

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Liana Fox replace cette situation dans son contexte : « L’Allemagne a le plus grand potentiel, financièrement et avec son infrastructure de défense, pour devenir un nouveau pilier de l’Europe, mais reste limitée en raison des luttes intestines au sein de la coalition gouvernementale ».

Un autre facteur négatif majeur est la distanciation de Washington concernant la sécurité européenne, une tendance qui devrait se poursuivre que Donald Trump perde ou non les prochaines élections présidentielles.

Comme l’avance Edward Hunter Christie : « Il existe deux grandes tendances dans le discours américain, à savoir le repli sur soi – qui peut aller jusqu’à l’isolationnisme – et une attention croissante portée à l’Asie afin de contenir la Chine ». Ces deux tendances constituent une menace sérieuse pour la sécurité européenne.

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