Une semaine après avoir rendu publique sa trajectoire de réduction du déficit public, le ministère de l’Économie l’a fait approuver ce mercredi en conseil des ministres. Si les membres du gouvernement ont jugé ce programme « sûr, cohérent et responsable », le Haut Conseil des finances publiques – une émanation de la Cour des comptes – s’étrangle.
« Cette prévision manque de crédibilité », « sa documentation reste à ce stade lacunaire », elle « manque également de cohérence »… Dans le langage poli des magistrats financiers, la sentence a l’effet d’un coup de massue. Dans un avis rendu public ce mercredi, les Sages de la rue Cambon analysent la manière dont le gouvernement compte s’y prendre pour passer, comme il le promet, d’un déficit établi à 5,5 % du PIB en 2023 à 5,1 % en 2024 puis… 2,9 % en 2027.
Cette trajectoire doit être prochainement communiquée à la Commission européenne. Pour passer sous la barre des 3 % en 2027, Bercy table sur une « croissance effective de 1,6 % en moyenne par an sur les années 2025 à 2027 », relèvent les magistrats qui jugent cette prévision « élevée ». « Elle repose notamment sur une hausse de la consommation des ménages, nettement supérieure à celle enregistrée avant la crise sanitaire, due en partie à la baisse de leur taux d’épargne, possible mais non acquise », écrivent-ils.
Pour 2024, la prévision de croissance du gouvernement (1 %) est « supérieure à celle de la moyenne des prévisionnistes interrogés », soulignent les magistrats alors que le Fonds monétaire international (FMI) a abaissé mardi ses prévisions de croissance pour la France à 0,7 % en 2024.
Une documentation des économies « lacunaire »
Selon le scénario du gouvernement, le déficit doit passer de 5,1 % en 2024 à 4,1 % en 2025 puis 3,6 % en 2025. « Le retour du déficit public sous 3 points de PIB en 2027 supposerait un ajustement structurel massif entre 2023 et 2027 (2,2 points de PIB sur quatre ans) », calcule le Haut Conseil des finances publiques qui chiffre les économies à réaliser pour la seule année 2025 à 27 milliards d’euros. Un scénario qui peine à les convaincre : « cela suppose un coup d’accélérateur puissant, qui reste à démontrer », écrivent-ils.
Bercy a annoncé le 10 avril dix milliards d’économies supplémentaires en 2024 et entend faire peser cet effort sur les ministères, les collectivités locales et augmenter ses recettes par la « taxation des rentes ». « Alors qu’un tel effort en dépenses n’a jamais été réalisé par le passé, sa documentation reste à ce stade lacunaire », taclent les Sages.
Dans un entretien au Figaro, le président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, ajoute que « sa réalisation suppose la réunion de conditions extraordinairement exigeantes ». Les magistrats estiment par ailleurs que ces ajustements pèseront forcément sur la croissance, une information qui n’a pas été prise en compte dans le scénario du gouvernement.
Pour finir, le Haut Conseil des finances publiques se permet quelques conseils. « Un réexamen des baisses prévues de prélèvements obligatoires » est nécessaire, estiment-ils. « La France, dans la situation actuelle, n’a pas les moyens de réaliser des baisses d’impôts « sèches », c’est-à-dire non compensées par des économies au moins équivalentes », insiste le président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, dans le Figaro. De quoi alimenter le débat déjà fourni au sein de la majorité sur le levier fiscal.