« L’étrange victoire », anatomie du discours réactionnaire

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Le moment de cristallisation politique lors duquel l’extrême droite a failli conquérir le pouvoir en France s’est éloigné. La grande tension des élections législatives semble même presque oubliée. Or si le « front républicain » a fonctionné, le soulagement pourrait être de courte durée. « Le sursaut a eu lieu, mais tout indique qu’il ne sera qu’un sursis », préviennent le philosophe Michaël Foessel et le sociologue Etienne Ollion dans Une étrange victoire. L’extrême droite contre la politique (Seuil, 192 pages, 19 euros). La dissolution de l’Assemblée nationale a révélé d’autres décompositions. C’est la politique elle-même qui semble dissoute dans cette « époque de la sidération » que nous traversons, analysent les auteurs de cet essai sur « l’étrangeté politique actuelle » dont le titre est choisi en consonance avec L’Etrange Défaite de l’historien Marc Bloch, réflexion sur l’effondrement militaire, moral et politique de la France en 1940.

Les brouillages entre la droite et la gauche se sont accentués, notamment avec l’usage du « en même temps » cher à Emmanuel Macron, qui reprend d’un côté la distinction maurassienne entre le « pays légal » et le « pays réel » et, de l’autre, panthéonise le couple de résistants communistes et immigrés arméniens Mélinée et Missak Manouchian. La confusion entre les principes et les valeurs permet au Rassemblement national de s’autoproclamer défenseur de la République et de la laïcité.

Michaël Foessel et Etienne Ollion renversent bien des idées reçues. Par exemple, l’argument selon lequel « on n’aurait jamais essayé » l’extrême droite, puisque – sans même parler du régime de Vichy – de Franco à Salazar, de Bolsonaro à Trump, le nationalisme a revêtu une variété de formes qui ne se réduisent pas au repoussoir nazi.

C’est le nationalisme qui est « woke », soutiennent-ils, puisqu’il victimise la majorité autochtone qui « se vit comme une minorité sur son propre sol » avec la théorie complotiste du « grand remplacement ». Face à cette grammaire réactionnaire, les auteurs préfèrent le « sens commun » au culte du « bon sens » et des fausses évidences, choisissent les principes plutôt que les valeurs, et opposent au « on est chez nous » des régressions identitaires un « nous » politique et égalitaire.

« Une étrange victoire. L’extrême droite contre la politique », Michaël Foessel et Etienne Ollion, Seuil, 192 pages, 19 euros.

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