Les Libanais de Côte d’Ivoire ciblés par une campagne de fake news

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Des messages anxiogènes concernant la sécurité des Libanais vivant en Côte d’Ivoire ont circulé sur les réseaux sociaux ivoiriens, dans l’après-midi de ce jeudi 7 novembre. Attribués à l’ambassade du Liban, certains d’entre eux mentionnaient « une alerte urgente » et une « menace imminente à la sécurité de la communauté libanaise », exhortant les ressortissants libanais à « rester confinés chez eux jusqu’à nouvel ordre ». L’ampleur qu’a prise cette fausse nouvelle a été telle qu’elle a poussé l’ambassade à réagir, dans un communiqué diffusé sur sa page Facebook, apportant un démenti « catégorique » à la diffusion de tels messages.

« L’ambassade du Liban en Côte d’Ivoire appelle les membres de la communauté au calme et à ne pas partager ce type d’information erronée, et voudrait les rassurer qu’elle suit cette affaire avec les autorités ivoiriennes compétentes », insistent par ailleurs les services de l’ambassade libanaise. Si cette fake news a eu un tel écho, c’est qu’elle survient dans un contexte qui voit la communauté libanaise en Afrique de l’Ouest, et en Côte d’Ivoire en particulier, être ciblée par ce qui semble être une campagne coordonnée, sur fond de tensions internationales alimentées par la guerre menée par Israël à Gaza et au Liban.


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« Petit Beyrouth »

Lorsque la mort de Hassan Nasrallah, chef du Hezbollah tué par l’armée israélienne au Liban, est annoncée le 27 septembre, les regards se tournent ainsi, notamment, vers la Côte d’Ivoire. Le pays compte en effet environ 100 000 ressortissants libanais, dont la plupart sont des musulmans chiites. Une diaspora qui, pour sa plus grande majorité, est installée depuis des décennies en Côte d’Ivoire.

Dans la commune de Marcory, où une rue est même surnommée « Le Petit Beyrouth », l’annonce de « l’élimination » de Nasrallah avait ouvert une période de deuil discret. C’est également à cette période que commencent à fleurir, sur les réseaux sociaux, des messages indexant les Libanais. Une vague de posts qui semble démarrer, d’abord, sur des comptes favorables aux juntes au pouvoir dans les pays de l’Alliance des États du Sahel (AES).

Ainsi, le 18 octobre, l’activiste Ibrahim Maïga écrit à ses 974 000 abonnés sur Facebook : « Vous ne voyez pas le danger, mais ADO est en train d’importer la guerre du Liban en Côte d’Ivoire. » Puis, sur X (ex-Twitter) cette fois, il affirme qu’ »Abidjan est le centre majeur de soutien financier au Hamas et au Hezbollah ».

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Plusieurs autres pages reprennent ces éléments de langage. En Côte d’Ivoire, certains soulignent en outre le poids de cette communauté dans le monde des affaires, quand d’autres s’émeuvent du traitement parfois raciste que subissent certains Noirs vivant au Liban.

Début novembre, les messages prennent une tout autre tournure. Plusieurs postes annoncent l’arrivée de dizaines de milliers de réfugiés libanais en Côte d’Ivoire. Certains avancent même le nombre de 250 000 personnes concernées. La toile ivoirienne s’emballe. La fausse information est même reprise par certains médias peu scrupuleux. Le débat fait rage : faut-il ou non accueillir ces Libanais ?


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Sauf que la polémique ne repose sur rien de concret. Aucune source officielle ne permet en effet d’attester la réalité de ces allégations. Contactée par Jeune Afrique, une source au ministère ivoirien des Affaires étrangères assure qu’aucune démarche officielle n’a été engagée en ce sens.

« Déstabilisation digitale »

Selon les conclusions d’une enquête du site afriquesconnectees, publiée le 6 novembre, la Côte d’Ivoire est particulièrement visée par des « tentatives de déstabilisation digitales » menée par une nébuleuse de comptes reprenant peu ou prou les mêmes thématiques, et les mêmes mots. La technique déployée semble relever d’une stratégie coordonnée : en attisant les débats sur les sujets de société potentiellement les plus clivants, ces comptes cherchent à diviser l’opinion publique ivoirienne. « Fin août, des comptes pro-AES et pro-russes ont eu un effet amplificateur important, si ce n’est déclencheur, sur l’émergence de discussions en ligne autour des homosexuels, les « woubis » en nouchi, en Côte d’Ivoire », détaille les auteurs de l’enquête.

Les relations entre le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire se sont dégradées depuis l’arrivée au pouvoir d’Ibrahim Traoré. Le président de la transition burkinabè accuse régulièrement Abidjan d’accueillir sur son territoire des personnes menant des opérations de déstabilisation de la junte au pouvoir à Ouagadougou. Très actifs sur les réseaux sociaux, les relais de la junte ont aussi pris Alassane Ouattara comme l’une des cibles récurrentes de leurs critiques.

« Sorciers numériques »

Cette polémique sur la communauté libanaise en Côte d’Ivoire s’est même frayée un chemin jusque sur la scène politique. À un an de la présidentielle, prévue en octobre 2025, la question est prise au sérieux au plus haut sommet de l’État. Le 30 octobre, Alassane Ouattara a signé le décret marquant la création de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi). Cette structure concentrera les prérogatives de la Direction de l’information et des traces technologiques (DITT), du Centre de veille et de réponse aux incidents de sécurité informatique (CI-Cert) et de la cellule de cybercriminalité au sein de l’Agence de régulation des télécommunications (ARTCI).

Le gouvernement ivoirien a également affirmé sa volonté de faire « la guerre à la désinformation », par le biais de la campagne « En ligne tous responsables », lancée le 24 juin dernier. Depuis plusieurs semaines, des panneaux publicitaires ont fleuri dans les rues des principales villes ivoiriennes avec pour messages « Stop aux sorciers numériques ». Reste à savoir si cela sera suffisant pour contrecarrer l’influence grandissante de ces derniers sur les réseaux sociaux.

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