la communauté libanaise, cible de la désinformation des activistes pro-juntes sahéliennes

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La communauté libanaise de Côte d’Ivoire sous le coup d’une campagne de harcèlement en ligne : depuis le début du mois de novembre, des détracteurs numériques accusent sur les réseaux sociaux cette diaspora, d’environ 100 000 ressortissants, la plupart chiites, de vivre en autarcie, d’être corrompue et raciste. Selon une étude publiée le 6 novembre par Afriques connectées, une agence basée à Abidjan, spécialisée dans le conseil et l’analyse numérique sur le continent, cette campagne est orchestrée par des comptes et profils soutenant les juntes au pouvoir au Burkina Faso, au Mali ainsi qu’au Niger, rassemblées au sein de l’Alliance des Etats du Sahel (AES), qui entretiennent des relations conflictuelles avec Abidjan et Paris.

« On a observé dès la mi-octobre des tentatives provenant de comptes pro-AES pour lancer un débat sur la communauté libanaise. Début novembre, il a pénétré la sphère ivoirienne et les discussions en ligne sur le sujet ont explosé. Il s’agit du même mécanisme déployé en août et qui a débouché sur la campagne anti-woubis [homosexuels, en nouchi ivoirien] », détaille Jérémy Cauden, coauteur de l’analyse. Des marches « anti-woubis » avaient été organisées et une trentaine d’agressions physiques sur des personnes LGBT recensées, selon l’ONG ivoirienne Gromo.

En remontant à la genèse de cette campagne, l’étude attribue les premiers posts à l’activiste Ibrahima Maïga, un influenceur pro-junte suivi par plus de 970 000 internautes sur son compte Facebook. Le 18 octobre, il a publié sur X un message affirmant qu’Abidjan est « un centre majeur du soutien financier au Hezbollah et au Hamas », puis a accusé le président ivoirien, Alassane Ouattara, « d’importer la guerre du Liban en Côte d’Ivoire ».

« Polariser l’opinion publique »

Le lendemain, il a annoncé finaliser une enquête sur « des talkies-walkies qui ont mystérieusement explosé à Abidjan au même moment qu’au Liban ». Ses publications ont été partagées des centaines de fois et d’autres influenceurs pro-AES lui ont emboîté le pas, à l’instar de Delphine Sankara, déjà active dans la campagne homophobe de l’été.

« Ces comptes tentent régulièrement de lancer des polémiques en évoquant le sujet du franc CFA, ou encore en véhiculant de fausses informations sur la présence de militaires étrangers dans des pays africains. Mais les sujets sociétaux sont ceux qui prennent le mieux », constate Manon Fouriscot, coautrice de l’étude d’Afriques connectées, qui souligne une montée des attaques en ligne en Côte d’Ivoire dans le but de « polariser l’opinion publique à moins d’un an de la prochaine élection présidentielle ».

Si ce n’est pas la première fois que les Libanais sont pris à partie sur la toile ivoirienne, cette campagne suscite de vives inquiétudes au sein de cette communauté et, le 7 novembre, l’ambassade du Liban en Côte d’Ivoire a dû publier un communiqué pour démentir une fausse alerte faisant état d’une « menace imminente » sur la sécurité de ses ressortissants, les exhortant à « rester confinés chez eux jusqu’à nouvel ordre ».

Pas d’arrivée massive de Libanais

Pour la chargée d’affaires de l’ambassade du Liban en Côte d’Ivoire, Magida Karaki, cette campagne tente de susciter un sentiment négatif à l’égard des Libanais, voire d’inciter « à la haine raciale, car certains internautes jouent sur la carte noir/blanc, alors que c’est quelque chose qui ne s’inscrit pas dans nos valeurs, ni dans celles de la Côte d’Ivoire ». La diplomate infirme aussi la rumeur d’une arrivée massive de ses compatriotes, après les premiers bombardements israéliens le 23 septembre.

« L’ambassade de Côte d’Ivoire au Liban a suspendu les demandes de visa dès le 24 septembre, avant de fermer ses portes et rapatrier son personnel diplomatique le 26 octobre », assure Magida Karaki, précisant que seules quelques demandes continuent d’être examinées à Abidjan.

Alors que le gouvernement ivoirien a créé le 30 octobre l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information avec l’objectif de combattre les ingérences étrangères et les fausses informations en ligne, les auteurs de l’analyse d’Afriques connectées lui suggèrent de se rapprocher des plateformes comme Facebook, X et TikTok, afin de repérer les ressorts des campagnes de désinformation et ainsi mieux réguler les contenus. Une réflexion qui devrait être portée avec les usagers et les acteurs de la société civile pour ne pas se contenter de « restreindre la liberté d’expression », met en garde Jérémy Cauden.

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