Les Béninois se souviendront longtemps de leur déplacement à Tripoli, lundi 18 novembre, où ils ont affronté la Libye lors de la dernière journée des éliminatoires de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) de football 2025. Grâce au match nul obtenu face aux Chevaliers de la Méditerranée (0-0), les Guépards ont validé leur participation à la phase finale, une première depuis l’édition 2019 en Egypte. Mais les heures qui ont suivi cette performance ne leur ont pas vraiment permis de fêter cette qualification.
Joint par Le Monde mardi matin, le gardien de but Saturnin Allagbé était encore marqué par ce qu’il a vécu avec le staff et ses coéquipiers. « Avant le match, notre hymne a été sifflé, des projectiles ont été lancés en direction de notre banc de touche. Sur le terrain, les joueurs libyens, qui pouvaient encore se qualifier s’ils nous battaient, étaient très remontés et mettaient la pression sur l’arbitre à la moindre occasion », retrace le joueur de Botev Vratsa (Bulgarie).
Puis la situation s’est rapidement dégradée après le coup de sifflet final, alors que les Béninois rentraient aux vestiaires. « Il y a eu de nouveau des projectiles lancés dans notre direction. Des membres de notre staff ont aussi reçu des coups », poursuit le gardien béninois. « Notre analyste vidéo tunisien a été pourchassé et frappé. Nous avons ensuite passé plus d’une heure et demie enfermés dans notre vestiaire », poursuit Gernot Rohr, le sélectionneur franco-allemand des Guépards.
Les intimidations ne se sont pas arrêtées là, puisque plusieurs membres de la délégation béninoise ont été frappés par des policiers libyens à l’intérieur du bus qui devait la reconduire à son hôtel tripolitain. « En théorie, ils étaient là pour notre sécurité. Et là, on voit quatre ou cinq policiers armés de leurs matraques taper sur les membres du staff technique et un de nos officiers de sécurité. Cela a duré plusieurs minutes, c’était particulièrement choquant », raconte Saturnin Allagbé.
« Multiples tracasseries »
Gernot Rohr, qui a reçu un coup de matraque à un bras, précise que plusieurs de ses adjoints ont été frappés. « Un des membres de notre sécurité a été touché à la tête. Il y a eu trois ou quatre blessés alors qu’il n’y a eu aucune provocation de notre part. C’est scandaleux », s’indigne le technicien. Ces incidents ont bouleversé les plans des Béninois, pressés de quitter la Libye après leur retour à l’hôtel. « On avait forcément un peu peur avec tout ce qui s’était passé. Le gouvernement béninois a donc décidé d’affréter un avion privé pour venir nous chercher et nous ramener à Cotonou », indique Saturnin Allagbé.
Ces nouveaux événements surviennent un mois après que le Nigeria a obtenu de la Confédération africaine de football (CAF) une victoire sur tapis vert (3-0) contre la Libye en raison du mauvais accueil qui avait été réservé aux Super Eagles. Leur avion, qui devait se poser à Benghazi, avait été dérouté sans explication vers l’aéroport d’Al Abrak, distant de plus de 200 km. Après avoir été enfermés dans l’enceinte de l’aérogare plus de douze heures, sans nourriture ni eau, les Nigérians avaient refusé de se rendre à Benghazi par la route. Ils avaient finalement quitté la Libye sans jouer après que leur gouvernement eut envoyé en urgence un avion pour les rapatrier.
En novembre 2023, puis en septembre 2024, les sélections du Cameroun et du Rwanda avaient déjà rencontré des problèmes similaires lors de leur séjour en Libye. « J’avais écrit à la CAF pour protester contre les multiples tracasseries que nous avions eues à subir et pour m’étonner que des matchs internationaux puissent se dérouler dans ce pays alors que visiblement, toutes les conditions ne sont pas réunies », déplore Adolphe Kalisa, le secrétaire général de la Fédération rwandaise de football. Après les violences subies par les Béninois à Tripoli, la réaction de la CAF, dont la mansuétude vis-à-vis de la Libye interpelle au sein de plusieurs fédérations africaines, est désormais attendue.