Port-Soudan, capitale malgré elle et dernière fenêtre sur le monde

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A Port-Soudan, le mois de novembre apporte la pluie. Au bout de la jetée, des pêcheurs appareillent leurs bateaux chargés de filets. Le ciel est menaçant, la mer agitée. « Au moins elle ne connaît pas la guerre », ironise Khaled Hussein pour dissimuler une pointe d’appréhension. Lui qui pêchait sur le Nil, à 700 km de là, n’avait jamais vu la mer Rouge. Il vendait ses poissons sur les étals de Wad Madani, chef-lieu de la province de la Gezira. Lorsque les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) ont envahi cette région agricole du Soudan, il a dû tout abandonner.

Fuyant les combats qui déchirent le pays, ils sont une dizaine de pêcheurs des bords du Nil à s’être réfugiés à Port-Soudan. Loin des eaux tranquilles du plus grand fleuve d’Afrique, ils s’adaptent à de nouvelles techniques, à la houle et aux courants. « Au moins, en arabe soudanais, “el-bahar” désigne autant la mer que le fleuve », sourit Khaled Hussein. Malgré la guerre qui se prolonge, les marins ne font pas tant grise mine. L’économie s’effondre mais le poisson ne connaît pas la crise. La demande a été décuplée sur les marchés de la ville.

Depuis le 15 avril 2023, la population de Port-Soudan, estimée avant-guerre à plus de 400 000 habitants, a doublé. Au fil des mois, la ville est devenue un havre pour des vagues successives d’exilés venues s’échouer sur les côtes de la mer Rouge, une province épargnée par les combats, tandis que le conflit a plongé le Soudan dans la plus grande crise de déplacement de population au monde, déracinant plus de 11 millions de personnes à l’intérieur de ses frontières et envoyant 2 millions de réfugiés vers les pays voisins.

Des Soudanais devant la mer Rouge, à Port-Soudan, le 4 novembre 2024. Des Soudanais devant la mer Rouge, à Port-Soudan, le 4 novembre 2024.

Dès les toutes premières heures de la guerre, le régiment des FSR basé à Port-Soudan a déposé les armes, sans combattre, dans une région densément quadrillée par l’armée régulière. Depuis, il y règne un calme en trompe-l’œil. Invisible sur le champ de bataille, le général Mohammed Hamdan Daglo, dit « Hemetti », le chef de cette milice paramilitaire, a menacé d’attaquer la ville à plusieurs reprises. A 500 km de la ligne de front la plus proche, le général Abdel Fattah Al-Bourhane, à la tête de l’armée, a réchappé fin juillet à une tentative d’assassinat présumée par drone suicide, alors qu’il assistait à une parade militaire à Gebeit, un village niché au creux des montagnes.

Aux points de contrôle qui encerclent Port-Soudan, chaque véhicule qui pénètre est méticuleusement fouillé. Les autorités sont sur le qui-vive, affirmant avoir démantelé plusieurs « cellules dormantes » des FSR. Elles ont formé une « unité spéciale de sécurité » qui, multipliant les arrestations et les interrogatoires de suspects, s’avère surtout redoutable pour museler les opposants politiques et les militants anti-guerre.

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