Pourquoi Carlos Tavares vaut bien plus que Kylian Mbappé

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À force de regarder leurs nombrils, nos politiques ont parfois du mal à voir l’essentiel. En l’occurrence, les dix années de travail de Carlos Tavares pour redresser PSA Peugeot Citroën, au bord de la faillite en 2014. Son implication et sa ténacité pour faire grandir le constructeur automobile français avec Opel puis le fusionner avec Fiat Chrysler, qui a donné naissance à Stellantis. Et ses propositions pour redistribuer une partie des profits du groupe aux employés en reconnaissance de leurs efforts.

Il faut écouter Matthias Tavel. Cette semaine, le député de La France insoumise de Loire-Atlantique a fait la tournée des radios et chaînes de télévision de France pour dénoncer le salaire du chef d’orchestre du quatrième constructeur mondial. Jeudi, sur le plateau de C ce soir sur France 5, il s’est lancé dans une longue diatribe : « Kylian Mbappé, il a du talent. Carlos Tavares n’a pas de talent, affirme l’élu LFI. Il refuse de produire la 208 électrique en France (fabriquée en Espagne, NDLR) alors qu’il y a un dispositif financier avec de l’argent public pour que les gens puissent accéder à une 208 électrique. Il ne cesse, depuis des mois et des années, d’essayer de repousser le virage électrique alors qu’on est déjà en retard de ce point-là. Quand même, 36 millions d’euros, 1 700 fois le smic y compris pour la motivation des salariés de PSA, y compris pour le respect de tous les petits patrons qui sont très loin de gagner ces sommes-là […] C’est un problème économique de prédation sur l’entreprise et c’est un problème politique de justice dans la société. »

Ils font tourner l’économie française

Carlos Tavares prédateur de Stellantis ? À la manœuvre pour diriger l’entreprise et ses quelque 400 000 employés répartis dans une trentaine de pays, il gagne 36,5 millions d’euros en récompense de la bonne année 2023 du groupe qu’il dirige. Kylian Mbappé perçoit le double pour jouer au football, soit 72 millions d’euros. Ces sommes colossales peuvent légitimement choquer l’opinion publique. Le salaire du patron franco-portugais, le plus important du CAC40, équivaut à 100 000 euros par jour et environ 500 fois le salaire moyen des employés de Stellantis (70 000 euros par mois). « C’est une dimension contractuelle entre l’entreprise et moi. Comme pour un joueur de foot et un pilote de Formule 1, il y a un contrat, s’est justifié Carlos Tavares. […] 90 % de mon salaire est fait par les résultats de l’entreprise. Cela prouve qu’ils ne sont apparemment pas trop mauvais. Si vous estimez que ce n’est pas acceptable, faites une loi, modifiez la loi, et je la respecterai », a-t-il ajouté, un brin provocateur.
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Dans ses critiques, le député Tavel oublie l’existence d’un plan d’actionnariat salarié de Stellantis. Et oui, les actionnaires d’une entreprise ne sont pas que de méchants profiteurs aux dents longues… L’élu oublie aussi, comme beaucoup de Français, que le patron comme le joueur de foot contribuent à leur manière à faire tourner l’économie française. Carlos Tavares sûrement bien plus que Kylian Mbappé.

Recettes fiscales

Prenons d’abord l’attaquant du PSG qui va partir au Real Madrid à la fin de la saison. Au-delà des postures morales convenues, la faramineuse rémunération de notre superstar sert la collectivité. Grâce à ses 72 millions d’euros de salaire annuel, ce sont environ la moitié, soit plus 35 millions d’euros, de recettes fiscales pour la France. Le crack de Bondy ne fait pas que marquer des buts pour qualifier le PSG en demi-finales de la Champions League. Il renfloue les caisses de l’État, qui en ont bien besoin en ce moment.À LIRE AUSSI Carlos Tavares : « Les lobbys anti-automobile sont très puissants »

Regardons maintenant le capitaine d’industrie. Après un exercice 2023 record de Stellantis, avec une marge exceptionnelle pour l’industrie automobile (12,8 %) et un profit net de 18,6 milliards d’euros, les actionnaires du constructeur ont accepté à 70 % de lui verser un salaire en hausse de plus de 50 %. Il est énorme, car basé essentiellement sur les bénéfices incroyables de la société. Carlos Tavares n’est pas le seul à en profiter. Les actionnaires de Stellantis ont décidé de redistribuer 10 % de ces profits aux salariés du groupe. Soit une somme de près de 1,9 milliard d’euros.

« Mbappé de l’automobile »

À se focaliser sur les réticences du patron sur le virage électrique, le député Tavel oublie le bilan du « samouraï de Poissy », où se situe le siège social de Stellantis France. En deux ans, il a sauvé PSA grâce à une réduction des coûts, initiée par son prédécesseur Philippe Varin, et en demandant aux employés de tenir de nouveaux objectifs plus ambitieux. Le « psychopathe de la performance » ne s’est pas arrêté en si bon chemin. Il a donné une aura mondiale à PSA en rachetant un Opel déficitaire en 2016 qu’il a remis à flot en seulement un an. Puis, il a sauté sur l’occasion de se marier en 2019 avec Fiat Chrysler – occasion perdue par Renault –, afin de prendre racine aux États-Unis, deuxième marché mondial automobile, et de créer un champion mondial en forme. N’y a-t-il pas là un « talent » de redresseur d’entreprise et de meneur d’hommes ?

Carlos Tavares est un peu notre « Mbappé de l’automobile ». Afin de garder un tel talent pour l’économie française, il ne faut surtout pas plafonner son salaire. Sinon, il partira à l’étranger. Il est, hélas, peu probable le député Tavel ait les compétences pour le remplacer.


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