Bienvenue dans cette 55ᵉ édition du Brief de Jeune Afrique. Cette semaine, nous revenons rapidement au Sénégal pour analyser les résultats du scrutin. Mais avant, détour par le Mali, où la junte a plus que remanié le gouvernement en place. Exit Choguel Maïga, trop critique. C’est Abdoulaye Maïga qui prend sa place, une option bien plus sûre pour Assimi Goïta. Nous évoquons également la mortalité sur les routes africaines et les bisbilles entre la Confédération africaine de football et le diffuseur togolais New World TV. Enfin, nous vous recommandons notre premier documentaire vidéo, Dans l’enfer de Shakahola, qui retrace l’effroyable ascension de Paul Mackenzie, accusé d’avoir tué au moins 400 disciples.
1 – Remue-ménage à Bamako
Choguel Maïga évincé. Quatre jours après avoir publiquement accusé la junte de le tenir à l’écart et réclamé une rectification de la transition au Mali, Choguel Kokalla Maïga a été relevé de ses fonctions. L’annonce a été faite ce mercredi 20 novembre dans la soirée. Désormais débarqué, jouera-t-il son va-tout en lançant une croisade contre les généraux ? Il faudrait d’abord que l’ancien Premier ministre n’ait pas maille à partir avec la justice, comme avant lui nombre de Maliens qui se sont risqués à critiquer la junte, explique notre spécialiste Manon Laplace.
Abdoulaye Maïga désigné. Moins de 24 heures après le limogeage du chef du gouvernement, son remplaçant a été nommé, selon un décret du chef de la junte, le général Assimi Goïta, lu à la télévision nationale par le secrétaire général de la présidence, Alfousseyni Diawara.
Huit ministres remplacés. Si la très grande majorité des ministres ont été reconduits, huit départs sont à mentionner, en plus de celui du Premier ministre. Parmi eux, le cas de Bintou Camara est à noter. L’ancienne ministre de l’Énergie et de l’Eau, experte-comptable de métier, est considérée comme une proche d’Assimi Goïta dont elle fut la conseillère spéciale à compter de 2021. Très contestée à l’heure où le Mali fait face, au quotidien, à des heures de délestage, elle aura été emportée par la crise énergétique que les autorités peinent à surmonter.
Au fait, qui est Abdoulaye Maïga ? Il avait déjà été Premier ministre, mais seulement pour assurer l’intérim d’août à décembre 2022, lorsque Choguel Maïga se remettait d’un AVC. Il est aussi vu comme étant proche d’Assimi Goïta. Mais contrairement aux autres colonels, il n’a pas participé au coup d’État. Il est cependant la voix par laquelle viennent les déclarations tonitruantes des autorités maliennes puisqu’il est le porte-parole du gouvernement depuis le 1ᵉʳ décembre 2021. Sa nomination confirme la mainmise des militaires sur le pouvoir.
2 – Sénégal, les enseignements des législatives
Raz de marée. C’est, au vu des résultats provisoires des élections législatives sénégalaises, le terme qui revient en boucle dans les médias nationaux comme internationaux. Les Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef), emmenés par le Premier ministre Ousmane Sonko, ont en effet remporté l’immense majorité des circonscriptions tout en écrasant parallèlement le scrutin secondaire, national celui-là, à la proportionnelle.
Une opposition exsangue. Vainqueurs dans la totalité des grands bastions électoraux, ils n’ont laissé que des miettes à leurs concurrents, de Macky Sall à Barthélémy Dias, en passant par Amadou Ba. À l’arrivée, avec 130 députés sur 165, le tandem Sonko-Faye réalise le vœu que l’ex-président Macky Sall, en 2015, avait présenté comme sa propre devise : « réduire l’opposition à sa plus simple expression ».
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Ce que ça change. L’opposition semble vouée à une longue traversée du désert et, en parallèle, Pastef a désormais les mains libres pour appliquer le « projet » sur lequel il s’est fait élire. Avec ces 130 députés, le parti dépasse largement la majorité qualifiée des trois cinquièmes, ce qui va lui permettre notamment de faire passer les réformes constitutionnelles que prévoit son programme, sans opposition.
La leçon du scrutin. Cette victoire prouve que l’on peut être panafricanistes et démocrates, estime François Soudan dans son édito. « Telle est l’une des leçons de la razzia électorale […] du 17 novembre, et c’est tout sauf une bonne nouvelle pour les juntes de l’Alliance des États du Sahel (AES) », poursuit-il.
3 – Les routes africaines sont les plus meurtrières au monde
Constat. Les routes africaines sont bien plus meurtrières que celles des autres continents. En 2021, le taux de mortalité lié à la circulation à l’échelle du globe s’élevait à 15 morts pour une population de 100 000 personnes, selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). En Afrique, ce chiffre s’élève à 19,4 pour 100 000. Un triste record.
Améliorations. Certains pays bougent sur la question. Au Sénégal, un durcissement de la législation est en cours. Au Bénin, la formation de personnels spécialisés dans des logiciels d’analyse des voies a débuté pour ensuite trouver des solutions efficaces, qui concerneraient souvent les infrastructures (réduction des voies, création de dos-d’âne, etc.).
4 – CAF : un bras de fer à plusieurs millions de dollars
Pressions. La Confédération africaine de football (CAF) tente de mettre la main sur 34 millions de dollars. Cette somme importante lui est due par la chaîne togolaise New World TV (NWT). Tout remonte à un accord conclu entre les deux parties pour la diffusion de matchs en anglais et en langues locales dans 46 pays d’Afrique subsaharienne.
Facture. Dans le contrat de licence de 30 pages, que Jeune Afrique a consulté, New World TV s’est en effet engagée à payer 32,5 millions de dollars de « garantie » à la CAF, pour obtenir le droit de diffusion des compétitions sur la télévision payante et 38 millions de dollars pour la Free to air Media (télévision en clair telle que sur les chaînes nationales). Sauf que sur l’ensemble, NWT ne s’est acquitté que de 36 millions de dollars. Il manque donc 34 millions. « Nous avons sollicité un délai supplémentaire jusqu’au 12 décembre pour honorer nos engagements, mais la confédération s’y oppose », déplore, auprès de Jeune Afrique, Louis Biyao, le conseiller juridique de la chaîne.
Bilan. Mais face à cette situation, la CAF a décidé de sévir en multipliant les pressions sur NWT. Et c’est ce que raconte notre journaliste Fatoumata Diallo. Elle rappelle notamment que le président de l’instance continentale, Patrice Motsepe, est en campagne pour un second mandat. Le Sud-africain, dont le premier mandat est émaillé de polémiques, souhaiterait afficher un bilan financier positif pour séduire de nouveau les dirigeants des fédérations.
5 – Découvrez le documentaire vidéo exclusif de Jeune Afrique sur le massacre de Shakahola
Exclusivité. Qui était vraiment Paul Mackenzie ? Simple pasteur autoproclamé de l’église « Good News International » ou un des pires gourous criminels du début de ce siècle ? Comment s’est-il radicalisé ? Comment, surtout, est-il parvenu à convaincre des centaines de personnes de le suivre, dans cette forêt de Shakahola où il est accusé de les avoir poussés à la mort ? Romain Gras et Alphonce Gari sont partis sur le terrain, au Kenya, pour enquêter. Ils ont pu interroger des survivants, des proches des disparus, mais aussi du pasteur, dont certains membres de sa famille. Nous vous proposons, dans un documentaire vidéo exceptionnel de 26 minutes, le fruit de leur travail d’investigation, à retrouver ici.
Pour aller plus loin, nous vous invitons à (re) découvrir tous les épisodes de notre série exceptionnelle sur cet « enfer de Shakahola ».