les destructions de quartiers insalubres suspendues à Abidjan

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Le gouvernement ivoirien a annoncé, jeudi 21 novembre, la suspension immédiate à Abidjan des opérations de « déguerpissement », ces destructions de quartiers jugés insalubres où les habitants subissent des expulsions forcées. Le premier ministre Robert Beugré Mambé en a donné l’ordre au cours d’une réunion interministérielle, où il a également enjoint la cellule d’aménagement des quartiers précaires du district autonome d’Abidjan d’accélérer les travaux dans les sites de relogement prévus pour accueillir les expulsés. Des exceptions pourront être faites en cas de risque imminent, a-t-il précisé, certains de ces quartiers se trouvant dans des zones sujettes aux inondations ou aux éboulements.

Lancée en janvier puis accélérée au mois de février après la Coupe d’Afrique des nations, la campagne de « déguerpissement » était orchestrée par le ministre et gouverneur du district, Ibrahim Cissé Bacongo. Ce dernier revendiquait, le 28 février, avoir été missionné directement par le président Alassane Ouattara pour « lutter contre le désordre urbain, l’insalubrité et assainir le district d’Abidjan ».

Le district avait alors publié, deux jours plus tôt, une liste de 176 sites identifiés comme « zones à risques » et destinés à être « déguerpis » à court ou moyen terme. Neuf mois plus tard, une trentaine d’entre eux ont été détruits, malgré les critiques de l’opposition et de la société civile, ainsi que les constats faits par la presse de la brutalité des opérations. Aucun recensement n’a été fait des populations affectées.

Amnesty International avait alerté, le 14 août, sur le sort des « dizaines de milliers de personnes expulsées de force depuis janvier 2024 des quartiers de Gesco, Boribana, Banco 1 et Abattoir » et dénonçait un « recours excessif à la force » lors de ces opérations. « Quelles que soient les raisons invoquées pour justifier ces destructions, les autorités ont clairement manqué à leurs obligations en matière de droits humains », déclarait alors Hervey Delmas Kokou, directeur exécutif d’Amnesty International Côte d’Ivoire. L’organisation de défense des droits humains s’est félicitée dans un nouveau communiqué, diffusé le 26 novembre, de la suspension des opérations.

« On espère que ce n’est pas un effet d’annonce »

Alors que le gouvernement avait décidé, en mars, à l’issue d’un conseil des ministres, du relogement et de l’indemnisation des personnes affectées, la majorité d’entre elles n’en avait, dans les faits, pas bénéficié. Une situation à laquelle le premier ministre ivoirien a promis de remédier. En visite le 20 novembre sur le chantier d’Adonkoi 1 à Anyama, en banlieue nord d’Abidjan, où 3 000 lots immobiliers doivent être alloués aux « déguerpis », il a enjoint la cellule d’aménagement des quartiers précaires, sous tutelle de la primature, d’accélérer la construction des sites dits de « recasement ».

« On attend de voir si le gouvernement va respecter cet engagement, relativise Pulchérie Gbalet, figure de la société civile, proche de l’opposition, à la tête de la Coalition des victimes et des menacés de déguerpissements. Quand le président de la République avait demandé que les déguerpissements se fassent avec humanisme, le district avait poursuivi avec plus de violences. On espère donc que ce n’est pas un effet d’annonce et on attend les dispositions pour réparer les préjudices déjà causés aux déguerpis. »

S’agit-il d’un désaveu pour Ibrahim Cissé Bacongo ? Le ministre est déjà empêtré dans un conflit à Port-Bouët, une commune du sud d’Abidjan, avec la mairie (tenue par le Parti démocratique de Côte d’Ivoire, dans l’opposition) sur la gestion du quartier Abattoir, et avec le ministère des ressources animales et halieutiques à la suite d’un incident violent survenu lors d’une cérémonie officielle, le 18 novembre, entre des responsables du ministère et des agents du district. Ces derniers sont également ciblés par une enquête de police après des accusations de séquestration et torture sur des vendeuses ambulantes guinéennes sans papiers.

Selon des cadres du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), le parti au pouvoir, le rôle du gouverneur du district autonome d’Abidjan n’est pas mis en cause. D’après eux, le gouvernement estime plutôt que l’essentiel des « déguerpissements » a été accompli et aurait donc choisi d’y mettre un terme avant les fêtes de fin d’année – et, surtout, avant le début de la campagne pour l’élection présidentielle d’octobre 2025. L’autre fer de lance de la politique « d’assainissement » d’Abidjan, la brigade de « lutte contre le désordre urbain », chargée de détruire les stands de commerce informel et de chasser les vendeurs ambulants et les mendiants, poursuit quant à elle toujours ses activités.

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