L’ancien chef de guerre Prince Johnson, acteur majeur de la guerre civile qui a ravagé le Liberia entre 1989 et 2003, et réputé pour sa cruauté, est mort soudainement jeudi 28 novembre. « Nous l’avons perdu ce matin. Il est décédé [à l’hôpital] Hope For Women », dans la banlieue de Monrovia à l’âge de 72 ans, a déclaré à l’Agence France-Presse Wilfried Bangura, l’un des cadres de son parti. Les causes exactes de sa mort n’ont pas été précisées dans l’immédiat.
« La mort du sénateur Johnson est très regrettable et inattendue. Ce matin, le vice-président [du Liberia, Jeremiah Koung, l’un de ses proches] s’est rendu à l’hôpital, à Hope For Women, et lui et d’autres sénateurs doivent se rendre au domicile du sénateur pour rencontrer la famille », a confirmé Siaffa Jallah, responsable du service de presse du Sénat.
Prince Johnson, qu’une vidéo montrait en train de siroter une bière pendant que ses hommes torturaient à mort le président Samuel Doe en 1990, était toujours un sénateur influent dans son pays, et n’a jamais exprimé de regret sur son passé. La mort du président Doe fut l’un des premiers épisodes sanglants qui allaient faire basculer le Liberia dans des guerres civiles qui, jusqu’en 2003, ont fait quelque 250 000 morts et ravagé son économie.
Après ce conflit, Prince Johnson était devenu sénateur de sa région d’origine de Nimba (Nord), il était devenu prédicateur dans une église évangélique et était suivi par de nombreux fidèles, conservant une forte popularité. Il était aussi l’un des principaux opposants à la création d’un tribunal qui jugerait les crimes de la guerre civile, jouant sur le danger de rouvrir de vieilles blessures et déclarant qu’établir une telle cour, c’était « chercher des ennuis pour le pays ».
Influent et sans regrets
M. Johnson a été l’un des principaux chefs de milice durant la guerre civile. D’abord allié à Charles Taylor, futur président du Liberia condamné pour crime contre l’humanité, il avait ensuite rompu avec lui puis avait été contraint à l’exil au Nigeria où il resta douze ans. Ce père de 12 enfants, rentré au Liberia en 2004, prêchait la paix et la réconciliation. Il n’a jamais exprimé de regret sur son passé guerrier, qu’il semblait cependant vouloir oublier.
« Je ne peux pas être poursuivi, je n’ai rien fait de criminel (…). Je me suis battu pour la défense de mon pays, de mon peuple qui était mené à l’abattoir, comme on le fait pour des poulets et des chèvres, par le régime Doe », déclarait-il en 2011, alors qu’il était candidat à une présidentielle qu’il a terminée troisième avec 11,4 % des voix. Et d’ajouter : « Il y a des circonstances qui changent les gens, qui les régénèrent (…). J’ai changé, mon action le prouve, regardez l’énorme soutien dont je bénéficie dans le pays. »
L’ancien chef de guerre continuait d’être engagé politiquement. Lors de la présidentielle de 2017, il avait à nouveau créé la surprise en recueillant plus de 8 % des voix. Personnage-clé de la politique libérienne, il avait apporté cette année-là son soutien au second tour à l’ex-légende du football George Weah, devenu président après avoir remporté son face-à-face avec Joseph Boakai.
Lors de la présidentielle de 2023, il avait soutenu ce dernier et négocié un poste de vice-président pour Jeremiah Koung, une alliance décisive pour Joseph Boakai qui remporta l’élection avec 50,6 % des suffrages.