Plus les échéances budgétaires approchent, plus la nasse se resserre autour du premier ministre, dont l’avenir ne tient désormais qu’à un fil, celui tiré par Marine Le Pen. Dans un entretien au Figaro le 28 novembre, Michel Barnier distille trois annonces pour tenter d’échapper à la censure qui menace d’ici à Noël son gouvernement à l’occasion du vote des lois de finances et de financement de la Sécurité sociale. Il renonce à augmenter les taxes sur l’électricité, qui devaient rapporter 3 milliards d’euros en 2025 ; il s’engage à revoir à la baisse l’aide médicale d’Etat qui permet l’accès aux soins des personnes en situation irrégulière sous conditions de résidence et de ressource ; il annonce pour le début du printemps un projet de loi visant à introduire la proportionnelle dans le scrutin législatif.
S’il ne précise jamais que le tout est spécifiquement destiné à faire baisser la température du côté du Rassemblement national (RN), son intention est à la fois limpide et mal payée de retour. Jugeant la barque trop légère, Marine Le Pen lui a donné jusqu’à lundi, date à laquelle le projet de loi de financement de la Sécurité sociale doit revenir devant l’Assemblée nationale, pour enrichir sa copie.
Ce n’est pas une négociation mais une forme de chantage à la reconnaissance qu’a entreprise la présidente du groupe parlementaire RN en exploitant l’impasse dans laquelle se trouve Michel Barnier : près de 10 milliards d’euros ont été concédés tout au long de la discussion budgétaire, alors que la France est censée ramener son déficit public de 6 % à 5 % du produit intérieur brut en 2025, et pourtant aucun compromis global n’a pu être trouvé avec les partis dits de gouvernement. Les socialistes ont annoncé mercredi qu’ils censureraient, comme le reste de la gauche, les textes financiers, faute d’avoir été pris en considération. De fait, l’essentiel des aménagements n’a servi qu’à satisfaire l’exigence des groupes dits du « socle commun », Les Républicains (LR) et Ensemble pour la République (EPR), dont le manque de solidarité est patent.
Défausse collective
En acceptant d’être nommé à Matignon par un président de la République qui venait de torpiller sa majorité, Michel Barnier savait que sa mission serait éprouvante. Il n’avait sans doute pas mesuré à quel point la culture du compromis reste étrangère au pays et combien le sérieux budgétaire y est une donnée relative. La perspective que la France puisse se retrouver dans quelques jours ou quelques semaines sans budget et sans gouvernement, parce que la gauche et le RN, pourtant opposés sur tout, l’auraient décidé, n’a pas créé à ce stade le moindre électrochoc.
Il vous reste 27.42% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.