Bonjour à toutes et tous,
bienvenue dans cette nouvelle édition du Brief de Jeune Afrique, la newsletter qui vous propose, chaque semaine, un tour d’horizon des articles qu’il ne fallait absolument pas manquer au cours des sept derniers jours.
Au programme, cette semaine :
- Russie-Afrique : les conséquences de la chute d’Assad pour le continent
- AFIS 2024 : vers un big bang financier africain ?
- Tchad-France : Paris répond à N’Djamena et rappelle ses avions de chasse
- Présidentielle au Ghana : le leader de l’opposition, John Mahama, élu
- Diaspora marocaine : quel est le poids des MRE dans l’économie du royaume ?
1 – Russie-Afrique : les conséquences de la chute d’Assad pour le continent
Coup dur pour Moscou. La chute de Bachar el-Assad, le 7 décembre, est un coup dur pour la Russie, qui perd l’un de ses principaux alliés au Moyen-Orient. Cela pourrait également avoir de fortes conséquences sur la politique menée par la Russie sur le continent africain. Si aucun accord n’est trouvé avec Ahmed al-Charaa, à la tête de Hayat Tahrir al-Cham (HTC), la coalition qui a chassé Bachar du pouvoir, le Kremlin pourrait perdre ses deux emprises militaires : la base aérienne de Hmeimim, dans la région de Lattaquié, et la base navale de Tartous. Deux installations utilisées ces dernières années par l’armée russe et ses supplétifs – Wagner et Afrika Corps – dans le cadre de transports de matériel et de troupes en Afrique, en particulier en Libye et au Sahel, rappelle Mathieu Olivier dans l’analyse des conséquences possibles de la chute du dictateur syrien en Afrique.
Libye et Soudan en ligne de mire. Quelles sont les options pour Vladimir Poutine ? « Moscou pourrait simplement décaler sa capacité de projection vers l’Afrique, de la Syrie à la Libye, en s’appuyant sur son alliance avec Haftar », confie à JA un expert du groupe Wagner. En ligne de mire, le port de Tobrouk et l’aéroport de Benghazi. Un choix d’autant plus probable que la Russie et Wagner soutiennent d’ores et déjà très activement le maréchal Khalifa Haftar.
Si la Russie est en discussion pour la construction d’un port en haut profonde en Libye, une autre destination est également envisagée : le Soudan, où des discussions sont en cours depuis plusieurs années autour de Port-Soudan, sur les rives de la mer Rouge. Mais, comme en Libye, l’option soudanaise n’offre que peu de garantie de stabilité à Moscou, alors que la guerre civile continue de faire rage entre le général Abdel Fattah al-Burhane et le général Mohamed Hamdan Dagalo (dit Hemetti).
Perte de capital confiance ? Pour Moscou, la chute de Bachar el-Assad est, aussi, une défaite symbolique : le Kremlin a été incapable d’empêcher la chute de son allié, emporté en moins de deux semaines par une offensive éclair menée par un groupe rebelle. Du Mali d’Assimi Goïta au Burkina Faso d’Ibrahim Traoré, en passant par le Niger d’Abdourahamane Tiani et à la Centrafrique de Faustin-Archange Touadéra, nul doute que les alliés de Moscou, qui se trouvent tous confrontés à des mouvements de rébellion armés – jihadistes ou non – , nul doute que beaucoup s’interrogent désormais sur la solidité de l’allié russe.
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« Il y a encore quelques jours, tout le monde s’attendait à ce que Vladimir Poutine envoie des troupes et des mercenaires soutenir Bachar al-Assad, en Syrie, face à la rébellion. Or, soit il ne l’a pas voulu, soit il en a été incapable en raison des limites de l’armée russe. Dans les deux cas, c’est un mauvais message envers ses alliés sahéliens », analyse un diplomate en poste en Afrique de l’Ouest.
2 – AFIS 2024 : vers un big bang financier africain ?
Défis ou opportunités ? L’Africa financial summit* (AFIS) qui s’est tenu les 9 et 10 décembre à Casablanca, a rassemblé plus d’un millier de leaders de l’industrie financière – ministres, gouverneurs de banques centrales, banquiers, assureurs… – autour des grandes problématiques du secteur. Et cette édition aura été riche en débats intenses, tant le contexte est critique : le secteur financier africain cherche en effet à renforcer sa résilience face aux multiples chocs auxquels il se trouve confronté, de la montée de l’inflation à l’échelle planétaire aux tensions géopolitiques. Parmi les sujets abordés : la transition écologique, l’intégration des fintechs, ou encore la mobilisation des capitaux pour le secteur privé africain. Autant de défis, qui, dans la bouche de nombre de participants, étaient synonymes d’« opportunités ».
Montée en puissance. Car si les difficultés sont grandes, les signes positifs sont nombreux. D’Access Bank, qui a acquis plusieurs filiales de Standard Chartered et racheté AfrAsia, à Coris Bank et HPS, qui ont élargi leur influence internationale, tout indique une montée en puissance des champions africains, dans un secteur autrefois dominé par des acteurs occidentaux. « L’Afrique a tout pour réussir », a martelé Nadia Fettah, ministre marocaine de l’Économie, en appelant à accélérer la mise en œuvre de la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf).
Il n’en reste pas moins que le chemin est encore long, et qu’il faudra un réel big bang financier pour que les champions africains de la finance atteigne leur plein potentiel. « Il s’agit de dépasser les nationalismes et d’imaginer, par exemple, un géant africain de la banque ou de l’assurance réunissant des capitaux nigérians, marocains ou kényans », a plaidé Amir Ben Yahmed, PDG de Jeune Afrique Media Group.
Système unifié. Les dirigeants de certaines des plus grandes banques du continent ont également plaidé pour la mise en place d’un système unifié de paiement. Mohamed El Kettani, directeur général d’Arttijariwafa, a ainsi insisté sur le fait que « la cause principale de nos handicaps, c’est la fragmentation de l’Afrique : nous avons 42 monnaies et des cadres macroéconomiques extrêmement différents », avant de prendre pour exemple « la création du système SWIFT en 1973, alors que personne ne misait dessus ». « Pour faire venir les investisseurs, il faut un cadre réglementaire qui inspire la confiance », a répondu en écho Jeremy Awori, directeur général d’Ecobank.
*Cet événement est organisé par Jeune Afrique Media Group en partenariat avec la Société financière internationale (IFC).
3 – Tchad-France : Paris répond à N’Djamena et rappelle ses avions de chasse
Rupture consommée. C’est un peu la réponse du berger à la bergère. Le 10 décembre, la France a annoncé le retrait de ses Mirage 2000D du Tchad. C’en est donc fini du partenariat militaire qui liait les deux pays depuis 1968. Cette décision intervient quelques jours après l’annonce, par N’Djamena, de sa volonté de rompre les accords de défense, le 28 novembre dernier. « Puisque l’armée française n’est plus la bienvenue, elle retire ce qui intéressait le plus les Tchadiens », glisse à Jeune Afrique un ancien conseiller de Mahamat Idriss Déby Itno.
Départ précipité. C’est l’avis d’un ancien ministre tchadien. « Est-ce que le Tchad est en capacité, aujourd’hui, de prendre le relais sur le plan de cette dissuasion aérienne ? Est-ce que, demain, si des colonnes rebelles déferlent sur N’Djamena, l’armée tchadienne a les moyens aériens de les stopper ? Sans doute pas », glisse la même source. Officiellement, le Tchad dispose d’une flotte aérienne de combat hétéroclite, qui pourrait lui permettre d’intervenir, souligne Mathieu Olivier, dans l’analyse des conséquences de cette rupture entre le Tchad et la France, qu’il signe pour Jeune Afrique cette semaine. Selon les décomptes officiels du rapport « World Air Forces 2025 », l’armée de l’air tchadienne dispose en effet de sept avions de combat de type Sukhoï-25, de fabrication russe et achetés à l’Ukraine. Mais ces aéronefs sont vieillissants.
4 – John Dramani Mahama, élu président du Ghana
Alternance. John Dramani Mahama a remporté la présidentielle au Ghana, qui s’est tenue le samedi 7 décembre. Le leader du National Democratic Congress (NDC) devrait également bénéficier de la majorité au sein du parlement, les quelque 19 millions d’électeurs ghanéens appelés aux urnes le 7 décembre ayant, également, voté pour leurs députés. Son rival Mahamudu Bawumia, candidat du New Patriotic Party (NPP), le parti du président sortant Nana Akudo-Addo, a appelé le président élu pour le féliciter de sa victoire « décisive ». Nos confrères de The Africa Report ont publié une analyse approfondie des résultats de ce scrutin « historique », qui montre que le président élu est arrivé en tête dans la quasi-totalité des régions du pays. Une série d’infographies à découvrir ici (article en anglais).
Crise économique. Le nouveau président ghanéen revient aux affaires dans un contexte difficile. John Dramani Mahama, qui déjà dirigé le pays de 2012 à 2017, devra en effet faire face à une crise économique lourde. Le Ghana, massivement endetté, est confronté à une inflation galopante que les autorités peinent à juguler. Le pays, pourtant riche en or et en cacao, a dû recourir à un prêt de 3 milliards de dollars auprès du Fonds monétaire international (FMI).
5 – Diaspora marocaine : quel est le poids des MRE dans l’économie du royaume ?
Contribution vitale. Avec 12 milliards de dollars transférés en 2023, les Marocains résidant à l’étranger (MRE) ont représenté de 6 à 7 % du PIB ces dernières décennies. Ils participent à renforcer les réserves du pays en devises étrangères, et contribuent à la stabilité du dirham. Ces fonds constituent par ailleurs 20 % des ressources bancaires du royaume chérifien. Des fonds qui, pour une grande partie, sont envoyés aux familles pour les dépenses courantes ou alimentent des comptes-épargne. Si Mohammed VI a salué le « patriotisme » des MRE et leur engagement « à contribuer au développement de leur pays », il n’en a cependant pas moins appelé les Marocains de la diaspora à investir plus encore qu’ils ne le font aujourd’hui dans l’économie de leur pays.
Maximiser l’impact. Comme le démontre Marie Toulemonde dans l’analyse en infographies qu’elle consacre au poids économique des MRE, malgré leur importance – et le fait que ces sommes soient en constante augmentation – , seuls 10 % des transferts sont investis dans des projets productifs. Et sur ces sommes, c’est l’immobilier qui se taille la part du lion : 41% des sommes investies par les MRE en 2022 y étaient consacrées.