RSIFF 2024 – Mohamed Sami, maître du renouveau audiovisuel

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Le Festival International du Film de la Mer Rouge (RSIFF) s’impose chaque année comme une événement incontournable pour les cinéphiles et professionnels du monde entier. Lors de sa 4ᵉᵍ édition, l’un des moments forts a été la présence du réalisateur et scénariste égyptien Mohamed Sami. Reconnu pour avoir révolutionné le paysage des séries télévisées égyptiennes et contribuant à moderniser leur production, Sami a captivé le public lors d’une discussion approfondie sur son parcours, sa vision artistique et son rôle dans l’évolution des formats narratifs audiovisuels.

Un réalisateur aux multiples talents

Mohamed Sami est l’un des réalisateurs et scénaristes les plus influents de sa génération dans le monde arabe. Né au Caire, il a commencé sa carrière dans le domaine des vidéoclips, collaborant avec des artistes renommés comme Haifa Wehbe, Sherine et Tamer Hosny. Sa percée dans les séries télévisées s’est faite en 2011 avec Adam, un feuilleton à succès qui a marqué un tournant dans la manière de produire et de réaliser des séries en Égypte.

Sami est également connu pour d’autres œuvres emblématiques telles que Ma’a Sabq Al Israr (2012), Hekayet Hayah(2013), et Al Ostoura (2016), qui ont captivé des millions de spectateurs grâce à leur narration puissante et leur esthétique cinématographique. Côté cinéma, il a réalisé des films comme Regatta (2015), Ahwak (2015) et Tisbah Ala Khair (2017), renforçant ainsi son statut de créateur polyvalent.

Une révolution dans les séries télévisées

Lorsque Mohamed Sami accepte de réaliser Adam, il était alors considéré comme un simple vidéaste. Cependant, son approche à contre-courant a radicalement changé la manière de concevoir les séries télévisées en Égypte. Inspiré par des productions internationales comme Prison Break, il propose une méthode de tournage influencée par le cinéma, utilisant des caméras modernes pour capturer des plans riches et dynamiques. Bien que cette idée ait initialement suscité des réticences, son audace a été récompensée par un succès massif, bouleversant les codes établis.

« Lorsqu’on m’a proposé de réaliser Adam, on tournait encore les feuilletons d’une manière très ancienne. J’ai proposé au producteur une approche différente, mais il a refusé. Heureusement, Tamer Hosny m’a soutenu et a même financé la différence de coûts. Cela a été un tournant. »

Avec son deuxième feuilleton, Ma’a Sabq Al Israr, Mohamed Sami avait déjà une conscience plus aiguë de son impact sur l’industrie. Il a alors consolidé son approche, équilibrant tradition narrative et modernité technique. « Ce n’est pas la technique qui concerne le spectateur, mais le thème. J’ai conservé les sujets préférés du public tout en modernisant les moyens de narration. »

 

 

Les plateformes de streaming et l’évolution des règles du jeu

Avec l’essor des plateformes de streaming, le paysage audiovisuel mondial est en pleine mutation. Mohamed Sami observe avec intérêt ces transformations, notamment l’émergence des mini-séries. Selon lui, ces nouvelles formes de narration offrent des opportunités pour explorer des thèmes variés, mais elles imposent également de nouvelles contraintes.

« Contrairement aux feuilletons de Ramadan qui s’étendent sur 30 épisodes, les mini-séries demandent une narration concise et efficace. Elles se rapprochent davantage du format cinématographique, avec une mise en scène soignée et une tension dramatique constante. » Cependant, Sami reste attaché aux feuilletons traditionnels, qu’il considère comme une partie intégrante de la culture ramadanesque.

Les enjeux pour le cinéma égyptien

Mohamed Sami souligne également les défis auxquels fait face le cinéma égyptien. La qualité croissante des productions télévisées a brouillé les frontières entre petit et grand écran. Il s’interroge : « Pourquoi aller au cinéma aujourd’hui, alors que les séries offrent une qualité visuelle similaire gratuitement ? »

Pour lui, la réponse se trouve dans l’éblouissement audiovisuel et la grandeur de l’expérience cinématographique. « Ce qui pousse les gens à aller au cinéma, c’est ce que la télévision ne peut pas offrir : des effets spectaculaires, une narration immersive, ou une comédie unique. En outre, le cinéma bénéficie d’une plus grande liberté d’expression, ce qui le rend encore plus attractif. »

 

 

La direction d’acteurs : un art à part entière

Parmi les nombreux talents de Mohamed Sami, sa manière de diriger les acteurs se distingue. Il accorde une attention particulière à leur bien-être et à leur interprétation, adaptant son approche à chaque individualité.

« Chaque acteur est différent. Certains sont naturellement doués mais manquent de professionnalisme, tandis que d’autres sont des professionnels accomplis mais doivent être guidés. Mon rôle est de créer un environnement où ils se sentent libres et en confiance. »

Au fil du temps, Sami a appris à diversifier les talents avec lesquels il travaille. Il admet qu’à ses débuts, il avait tendance à s’appuyer sur les mêmes acteurs, mais il a rapidement compris que collaborer avec de nouveaux talents pouvait enrichir son approche artistique.

La décision d’écrire ses propres scénarios

Mohamed Sami a décidé de devenir scénariste pour avoir une plus grande liberté dans la création de ses projets. « Lorsque j’ai commencé, je travaillais avec des scénaristes, mais certains ne voulaient pas que je touche à leurs textes, ce qui me faisait perdre du temps et créait des frustrations. Alors, j’ai décidé d’écrire moi-même mes scénarios pour m’assurer que mes idées seraient fidèlement traduites à l’écran. » Cette indépendance lui a permis d’explorer pleinement sa vision artistique et de développer des histoires qui résonnent profondément avec le public.

 

 

Un hommage à Wahid Hamed et ses conseils précieux

Un moment marquant de la discussion a été l’hommage rendu par Sami au grand scénariste Wahid Hamed, qui a joué un rôle décisif dans sa carrière. Lors de leur première rencontre, Wahid Hamed avait invité Sami pour une conversation qui, d’après le réalisateur, a été aussi intimidante qu’inspirante. Après avoir écouté Sami parler avec enthousiasme de ses idées et de sa vision, Wahid Hamed lui avait posé une question simple mais essentielle : « Comment as-tu vu le film ? » Sami, cherchant à impressionner, avait parlé abondamment, multipliant les détails complexes pour démontrer sa compréhension. Wahid Hamed l’avait alors interrompu avec un conseil direct mais mémorable : « Pourquoi compliques-tu les choses ? Ressens le film, car si tu le ressens, tu le feras bien et le public l’aimera. » Cette phrase a profondément marqué Sami, lui montrant l’importance de la sincérité émotionnelle dans la création.

Plus tard, Sami s’est souvenu d’un conseil spécifique de Wahid Hamed concernant une scène difficile : un long dialogue entre deux personnages qui risquait de devenir ennuyeux.

« J’ai appelé Wahid pour lui demander comment rendre cette scène captivante, » raconte Sami. « Il m’a conseillé de la voir comme un match. Chaque réplique devait être un échange rythmé, une balle renvoyée d’un côté à l’autre avec intensité et précision. » Ce conseil a transformé sa vision des dialogues et de leur mise en scène, influençant profondément son style.

« Lorsque mes feuilletons ont commencé à réussir, je voyais des gens les regarder dans les cafés comme s’ils suivaient un match de football. C’est à ce moment-là que j’ai béni la mémoire de Wahid Hamed. »

L’avenir prometteur de Mohamed Sami

Interrogé sur son œuvre préférée, Mohamed Sami a répondu avec modestie : « Tous mes travaux ont contribué à être ce que je suis, donc je les aime tous. Chaque projet a apporté quelque chose dans ma vie et constitue une étape importante de mon parcours. Cependant, si je devais en choisir un pour son succès et son impact, ce serait Al Ostoura. »

La discussion s’est conclue par une intervention de l’actrice égyptienne Youssra, qui a salué le talent de Mohamed Sami. Elle a notamment loué ses mouvements de caméra uniques et sa capacité à sublimer le jeu des acteurs. « En t’écoutant aujourd’hui, je trouve que tu as des détails qu’on ne voit pas ailleurs, les mouvements de ta caméra est éblouissante et Youssef Chahine m’a appris à quel point c’est important. Je veux travailler avec toi, parce qu’on sent que tu aimes les acteurs et que tu sais les faire travailler » a-t-elle déclaré.

Neïla Driss

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