En Afrique, les avancées prometteuses de la vaccination contre le paludisme

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Dans les annales de la lutte contre le paludisme en Afrique, le 2 décembre 2024 constituera un jalon important. Ce jour-là, le Nigeria a lancé sa toute première campagne de vaccination contre la maladie. Un événement notable dans le pays le plus affecté au monde par cette infection parasitaire transmise par piqûre de moustique. En 2023, selon les derniers chiffres de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), 68 millions de cas y ont été comptabilisés et le Nigeria a enregistré à lui seul 31 % des quelque 600 000 décès provoqués par le paludisme à l’échelle mondiale.

Le pays le plus peuplé d’Afrique s’appuie sur l’un des deux vaccins désormais recommandés par l’OMS, le R21/Matrix-M, développé par l’université d’Oxford. Les doses sont réservées aux très jeunes enfants – les plus vulnérables face à la maladie – dans les Etats de Kebbi (nord-ouest) et Bayelsa (sud), deux régions particulièrement touchées.

Le Nigeria vient ainsi allonger la liste des Etats africains ayant introduit la vaccination contre le paludisme dans leur programme d’immunisation des enfants : ils sont dix-sept, dont quatorze ont démarré en 2024. Huit autres devraient suivre en 2025. « Il y a une forte demande des pays à pouvoir en bénéficier », confirme Daniel Ngamije Madandi, directeur du programme mondial de lutte contre le paludisme de l’OMS : « Et sur le terrain, l’acceptabilité des populations est très élevée, car les parents constatent au quotidien à quel point cette maladie est dangereuse pour leurs enfants. »

Grande tueuse

Aujourd’hui encore, un enfant de moins de 5 ans meurt toutes les deux minutes du paludisme en Afrique, un continent qui concentre environ 95 % des cas et des décès. La riposte contre cette grande tueuse se heurte sans cesse à de nouveaux obstacles : résistance croissante aux médicaments antipaludiques, émergence d’une espèce de moustique plus coriace en Afrique de l’Est, risques de propagation liés au dérèglement climatique… Pourtant, l’espoir est ravivé avec le déploiement de deux vaccins agissant contre le Plasmodium falciparum, le parasite du paludisme le plus meurtrier au monde – et celui qui est le plus présent en Afrique.

Le premier, RTS,S, recommandé par l’OMS dès 2021, a été élaboré par le groupe pharmaceutique britannique GSK. Un programme pilote, entre 2019 et 2023, au cours duquel il a été administré à 2 millions d’enfants au Kenya, au Ghana et au Malawi, s’est soldé par une réduction substantielle (– 22 %) des hospitalisations dues à un paludisme sévère. Dans ces trois pays, le taux de mortalité infantile, toutes causes confondues, a chuté de 13 %. « Ce sont des chiffres très significatifs qui montrent combien le paludisme accroît le risque pour les enfants de mourir d’une autre maladie », souligne Mary Hamel, responsable pour l’OMS de la coordination des programmes de vaccination antipaludique.

Le RTS,S présente toutefois des limites. D’abord son approvisionnement contraint, alors que GSK s’est engagé à allouer seulement 18 millions de doses entre 2023 et 2025, très en dessous des besoins estimés par l’Alliance mondiale pour les vaccins et l’immunisation (GAVI). Et le coût de chaque dose s’élève à plus de 10 dollars.

Mais l’arrivée du R21, préqualifié par l’OMS en octobre 2023, permet de passer à une vaccination à plus grande échelle. Son concepteur, l’université d’Oxford, a passé un accord de production avec le Serum Institute of India, qui affirme être en mesure d’en fabriquer 100 millions de doses par an, le tout pour un coût unitaire nettement plus faible (3,90 dollars). Dans les deux cas, quatre doses sont recommandées pour chaque enfant vacciné.

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Jusqu’ici, les données ne permettent pas de dire quel vaccin offre la meilleure efficacité ou la plus durable. Mais selon l’OMS, lorsqu’ils sont administrés dans les zones de transmission saisonnière et combinés à des traitements de prévention, tous deux permettent de réduire de 75 % les cas de paludisme. « Le vaccin tout seul n’est pas suffisant, insiste Mary Hamel. Il peut néanmoins changer la donne à condition qu’il y ait suffisamment de financements pour assurer son déploiement et celui d’autres outils essentiels comme les moustiquaires imprégnées. »

« Un vrai tournant »

C’est ici que le bât blesse. L’achat de doses pour le compte des pays les plus pauvres et l’organisation des campagnes vaccinales nécessitent des investissements importants. Or les bailleurs de fonds internationaux ont consacré 4 milliards de dollars à la lutte contre le paludisme en 2023 (environ 3,6 milliards d’euros à l’époque). Soit à peine la moitié du montant jugé nécessaire chaque année pour mettre en œuvre une véritable stratégie d’éradication de la maladie.

Mais pour les chercheurs, le contexte pousse à l’optimisme. « Pendant des décennies, il y a eu de nombreuses tentatives qui n’ont pas marché. Désormais, pour la première fois, nous disposons de vaccins contre un parasite humain. C’est un vrai tournant », rappelle le professeur Umberto d’Alessandro, de la London School of Hygiene & Tropical Medicine. De quoi encourager la communauté scientifique à redoubler d’efforts pour mettre au point de nouvelles générations de vaccins encore plus performants.

RTS,S et R21 ciblent le parasite au moment où il pénètre dans le corps humain et commence à se répliquer dans les cellules du foie. Or les résultats d’un essai clinique publiés début décembre dans la revue The Lancet révèlent qu’un nouveau candidat-vaccin (RH5.1), développé par l’université d’Oxford et testé au Burkina Faso, offre pour la première fois une protection efficace contre le stade sanguin de la maladie, c’est-à-dire contre les parasites qui ont réussi à sortir du foie pour entrer dans les globules rouges.

« Cela ouvre la voie à une approche combinée entre les différents vaccins, permettant d’accroître leur efficacité », explique le professeur Halidou Tinto, de l’Institut de recherche en sciences de la santé (IRSS) du Burkina Faso, qui a conduit l’essai clinique et se prépare à la prochaine étape : « Avec toutes les avancées de la recherche, on peut vraiment espérer que d’ici dix ans, le paludisme ne soit plus la première cause de consultations et de décès en Afrique. »

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