RSIFF 2024 – Aamir Khan : Une vie de cinéma, d’histoires et de défis 

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Aamir Khan, l’un des visages les plus emblématiques du cinéma indien, est bien plus qu’un simple acteur : il est une force créatrice, un innovateur, et un perfectionniste passionné. Né le 14 mars 1965 à Mumbai, dans une famille profondément enracinée dans l’industrie cinématographique, Aamir a grandi dans un univers où le cinéma n’était pas seulement une profession, mais une culture. Son père, Tahir Hussain, était un producteur respecté, et son oncle, Nasir Hussain, un réalisateur prolifique.

Dès son plus jeune âge, Aamir a montré un intérêt marqué pour les histoires et la narration. Enfant, il était fasciné par les récits de sa mère et par les discussions professionnelles autour des scénarios dans le cercle de son père. À l’adolescence, il a réalisé son premier court-métrage avec un camarade, une expérience qui a confirmé sa vocation.

Après quelques rôles, y compris en tant qu’enfant, Aamir a fait ses vrais débuts au cinéma en tant qu’acteur principal dans Qayamat Se Qayamat Tak (1988), qui l’a propulsé instantanément au rang de superstar. Depuis, il a enchaîné des succès critiques et commerciaux comme Lagaan (2001), nommé aux Oscars, Taare Zameen Par (2007), 3 Idiots (2009), PK (2014), Dangal (2016), qui inspiré d’une histoire vraie, a marqué les esprits par sa profondeur et son réalisme et tout dernièrement Laal Singh Chaddha (2022), une adaptation indienne du film américain Forrest Gump.

Un Acteur et un créateur unique

La particularité d’Aamir Khan réside dans son approche minutieuse de chaque rôle. Il s’immerge complètement dans ses personnages, explorant leur psychologie, leurs motivations et même leurs gestes les plus infimes. Pour Dangal, il a pris 28 kilos pour incarner un père vieillissant. Dans PK, il a interprété un extraterrestre avec une innocence subtile, tout en évitant les clichés.

Aamir est également connu pour son audace à choisir des histoires qui sortent des sentiers battus, abordant des thèmes sociétaux avec sensibilité et nuance. En tant que producteur, il a permis à des projets audacieux comme Taare Zameen Par de voir le jour, démontrant son engagement envers un cinéma de qualité.

Aamir Khan au Red Sea International Film Festival

Invité d’honneur de la troisième édition du Red Sea International Film Festival à Jeddah, Aamir Khan a été célébré lors de la cérémonie d’ouverture pour sa contribution exceptionnelle au cinéma mondial. Avant cet hommage officiel, il a participé à une conversation publique où il a partagé des anecdotes émouvantes et des réflexions profondes sur sa carrière et sa philosophie artistique.

 

 

Les racines d’une passion : une enfance bercée par les histoires 

Aamir Khan commence par remercier chaleureusement les spectateurs présents, pour le plus grand plaisir de ses fans, notamment indiens, dans la salle. Puis, il se plonge dans ses souvenirs d’enfance, où sa passion pour les récits a pris racine. 

« J’ai grandi avec les films. Ma famille était dans le business du cinéma, et depuis tout petit, j’adorais les histoires. Chaque soir, ma mère nous racontait des contes, et j’attendais ce moment avec impatience. Il y avait aussi une émission radio dédiée aux histoires, que je ne manquais jamais. Mon père, qui était producteur, avait aussi un talent particulier pour raconter des histoires. Je me souviens m’asseoir à ses côtés, juste pour écouter ses récits ou les conversations liées aux scénarios qu’il recevait. » 

Il confie également qu’à l’adolescence, il se cachait souvent dans un coin pour écouter les discussions de son père avec des scénaristes ou des réalisateurs. « Petit à petit, il a commencé à me demander mon avis. Vers 15 ou 16 ans, j’avais déjà une idée assez précise de la façon dont un film se prépare tellement j’avais assisté à des séances de préparation de films. En classe j’avais un camarade qui était aussi le fils d’un professionnel du cinéma et il était étonné que j’en savais autant. Un jour, il a voulu tourner un court métrage et m’a demandé de l’aider. Je pense que la lutte pour faire ce film m’a permis de réaliser que c’était ce que je voulais faire et que c’était ma vie. Je n’ai jamais voulu faire autre chose ».

Il souligne l’importance des erreurs commises dans ses débuts : « J’ai fait beaucoup d’erreurs, mais elles m’ont appris. Certaines m’ont coûté cher, mais ce sont ces expériences qui m’ont forgé. »

 

 

Le choc de la célébrité : un moment inoubliable 

Revenant sur ses débuts, Aamir Khan se rappelle de la sortie de son premier film. « Quelques jours après sa sortie, j’étais en voiture et j’ai vu des gens me sourire, puis me pointer du doigt. Ils disaient : ‘C’est lui !’ J’ai réalisé qu’ils m’avaient reconnu grâce au film. C’était étrange, mais cela m’a confirmé que j’avais pris les bonnes décisions en poursuivant cette carrière. » 

Une approche méticuleuse de l’art d’interpréter

Quand il parle de son travail d’acteur, Aamir Khan est précis et passionné : « J’incarne un personnage en étudiant son énergie, sa façon de réfléchir, de parler. Pendant le tournage, j’essaie de ‘perdre mon moi-même’ pour devenir ce personnage, mais sans pour autant m’oublier complètement. Je pense que tous mes personnages sont importants pour moi, l’essentiel est que je les ai approchés avec de l’excitation et de la prudence». 

Pourtant, certains rôles restent marquants, tant pour le public que pour l’acteur lui-même. Dangal, par exemple, a été particulièrement exigeant sur le plan physique. Jouer un père vieillissant et en surpoids, avec une mentalité différente de la sienne, l’a poussé dans ses retranchements. Il se souvient : « J’avais 35 ans, mais je devais incarner un homme bien plus âgé. Ce rôle allait à l’encontre de tous les stéréotypes : pas de romance, pas d’éléments habituels pour séduire le public. »

Un autre rôle singulier est celui de l’extraterrestre dans PK. Incarner une innocence totale tout en restant crédible, a été un des défis les plus délicats de sa carrière. « PK est un personnage qui ne savait rien de la vie humaine. Ce rôle était particulièrement difficile, parce que je devais faire en sorte de faire croire que je ne connaissais rien, ne reconnaissais aucun objet qui m’entourait, ni rien. Comme un idiot en fait, or PK n’est pas un idiot, au contraire c’est un savant venu étudier les humains. Le réalisateur m’a dit : ‘Attention, PK n’est pas un idiot. C’est un être intelligent, mais qui découvre le monde humain.’ Jouer ce rôle était un véritable défi, parce que je devais tout découvrir, sans paraitre idiot. »

L’acteur qui devient producteur

Aamir Khan n’a pas toujours rêvé de produire des films. « Quand j’ai commencé, je voyais mon père, producteur lui-même, et je me disais que je ne voulais pas de cette vie. » Cependant, le besoin de protéger et de concrétiser des histoires qui lui tenaient à cœur l’a poussé dans cette direction. « Parfois, je tombais amoureux d’un scénario, mais je ne trouvais personne pour lui rendre justice. Je suis devenu producteur par nécessité, et j’ai fini par adorer ça. Cela me permet de garder un contrôle total sur le film, de le façonner exactement comme je l’imagine

Un public international et inattendu

L’un des tournants de sa carrière de producteur a été Lagaan. En 2001, ce film, qui raconte l’histoire d’un village indien défiant des colons britanniques à un match de cricket, a remporté le prix du public au Festival de Locarno et a été sélectionné pour représenter l’Inde aux Oscars. Aamir se rappelle avoir été étonné par ce succès international : « Je ne m’attendais pas à ce que nos histoires résonnent autant au-delà de nos frontières. »

Aamir Khan est particulièrement fasciné par la réception de ses films à l’étranger. Il se souvient de sa première expérience à Toronto : « Voir autant de ‘blancs’ regarder mon film était étrange et inédit. Mais ce qui m’a le plus surpris, c’est le succès de mes films en Chine. »

Aamir avait emporté quelques copies du film Lagaan en Chine, où elles ont rencontré un accueil enthousiaste. Ce public curieux a ensuite découvert ses autres films sur des plateformes en ligne, devenant des fans dévoués. « Ce succès en Chine est dû au travail des fans eux-mêmes. Ils ont propagé mes films. Cela m’a fait comprendre l’universalité de nos histoires. Nous, humains, partageons les mêmes émotions, avec quelques différences linguistiques. »

 

 

Prendre des risques : une philosophie

Pour Aamir Khan, chaque film est un défi. « Je préfère les projets difficiles, qui n’ont pas été faits auparavant. À chaque fois, je me demande si cela va marcher. » Il cite l’exemple de Dangal, où il s’est demandé si le public accepterait de voir un film si éloigné des codes habituels de Bollywood. Malgré ses doutes, il a suivi son cœur et a décidé de faire le film immédiatement, sans attendre plusieurs années comme il l’avait pensé au début.

Cette volonté de prendre des risques se reflète aussi dans sa manière de sélectionner les scénarios. « Si un scénario me plaît, s’il me touche émotionnellement, c’est un oui. Peu importe qu’il soit à petit ou grand budget, ce qui compte, c’est que le budget corresponde à l’histoire.» Il cite l’exemple de Taare Zameen Par un film abordant la dyslexie, produit avec un budget modeste mais parfaitement adapté au sujet.

Divertir, mais aussi élever

Aamir Khan ne se contente pas de divertir. « Ma première responsabilité est d’amuser le public, mais j’estime aussi avoir le devoir de raconter des histoires qui permettent de réfléchir, d’évoluer. C’est une manière d’avoir un impact sur la société. »

Un avenir tourné vers les jeunes talents

Pour les dix prochaines années, Aamir Khan aspire à créer une plateforme pour aider les jeunes créateurs. « Je veux leur donner les moyens de s’exprimer, de concrétiser leurs idées. » Bien qu’il ait la possibilité de se limiter à quelques films par an et de se reposer, cela ne l’intéresse pas. « Je veux faire bien plus. »

Une sensibilité héritée

Enfin, Aamir Khan revient sur l’importance de l’empathie dans son travail. Il raconte une anecdote marquante de son enfance, où sa mère, d’une grande sensibilité, l’avait poussé à réfléchir aux émotions des autres. « Un jour, après un match de tennis que j’avais gagné, au lieu de me féliciter, elle m’a parlé de mon adversaire et de la tristesse de sa mère. Cela m’a appris à ressentir ce que les autres vivent. C’est essentiel dans mon métier, car pour faire des films, il faut toucher le cœur des gens. »

Un héritage en construction

Aamir Khan conclut en évoquant son admiration pour des artistes comme Amitabh Bachchan, qui ont toujours pris des risques et porté des messages importants. Ces figures l’ont inspiré à suivre leur exemple, à raconter des histoires qui comptent et à prendre des risques pour faire avancer le cinéma et la société.

Aujourd’hui, plus qu’un acteur ou un producteur, Aamir Khan est un bâtisseur, un visionnaire qui continue d’élever son art et de laisser une empreinte indélébile dans le cœur de ses spectateurs.

Neïla Driss

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