La belle histoire du voilier loud Hadj Ameur, de Kerkennah à Sète

Date:

Ce loud a été construit selon le modèle du bateau de l’exil du président Habib Bourguiba vers l’Orient, en mars 1945 par des charpentiers du port de Sfax, assistés par des pêcheurs de Kerkennah. Il a retrouvé la mer ce samedi 16 mars.

Le Haj Ameur, un loud construit dans la tradition des îles Kerkennah a été lancé en mer, samedi 16 mars à Sète, en France. Ce voilier a pu renaître grâce à l’association Voiles Latines dont il fait désormais partie de la flotte.

Ce sont Nicolas Zarrouk et nos collègues de Midi Libre Sète qui ont rapporté cet événement et sa genèse ainsi que la belle aventure du loud Haj Ameur.

Ce voilier oublié a pu renaître grâce à l’association Voiles latines. Son premier propriétaire a raconté son histoire à MLS avant sa mise à l’eau, samedi dernier.

« À ma connaissance, il est l’un des deux derniers représentants de ce type de bateaux encore en état de naviguer. » selon le Sétois Robert Antraygues qui connaît par cœur le voilier qui a retrouvé son élément naturel, samedi 16 mars au chantier naval de la Plagette.

Et pour cause. Il est à l’origine de sa construction, il y a plus de trente ans. Baptisé le Haj Ameur à sa sortie de l’un des chantiers navals de Sfax, en Tunisie, le gréement traditionnel a connu plusieurs vies, puis l’oubli.

Grâce au savoir-faire de l’association des Voiles latines, celui que l’on appelle désormais le Loud s’apprête à écrire une nouvelle page de son histoire sur les rives du bassin de Thau.

Dans son appartement en bord de quai, Robert Antraygues fait défiler les photos sur son ordinateur. Et remonte le temps jusqu’au début des années 90. Il est alors directeur d’une association parisienne et organise des séjours de rupture à travers le monde pour des adolescents en grande difficulté.

« Mes pérégrinations m’ont conduit jusque dans les îles Kerkennah, un archipel à l’est de la Tunisie peuplé par des pêcheurs. Ce sont eux qui m’ont parlé des louds, ces voiliers oubliés dont il ne restait presque aucun représentant. Moi, je voulais construire une felouque. Eux m’ont dit, ‘c’est un loud qu’il te faut' ».

Dans cette région protégée par les hauts-fonds sablonneux, le loud a longtemps été l’embarcation privilégiée pour la pêche et le cabotage vers les côtes libyennes. Incapable d’accueillir un moteur, il sera peu à peu abandonné par les habitants des Kerkennah.

« J’ai été séduit par l’aventure et, grâce aux souvenirs des charpentiers de marine locaux et en prenant pour modèle l’épave du bateau de Bourguiba, le Haj Ameur est devenu réalité. Sur l’île, ça a été une fête incroyable », se souvient Robert Antraygues.

Ce loud a été construit selon le modèle du bateau de l’exil du président Habib Bourguiba vers l’Orient, en mars 1945. Contraint de fuir le pays, Bourguiba s’était alors tourné vers les pêcheurs des îles Kerkennah pour lui venir en aide. Sous couverture, il parviendra à gagner les côtes libyennes à bord d’un loud, pour ensuite rejoindre le Caire en Egypte.

Ce bateau de l’exil a ensuite été conservé à l’état d’épave et servira de modèle à Robert Antraygues pour le Haj Ameur, remis à l’eau samedi dernier à Sète, puis pour le El Felah, créé pour les besoins d’un film. Quant au loud historique, il sera incendié en août 2015.

Pendant trois ans, le loud est utilisé par l’association. Puis fait son retour en France dans la soute d’un ferry, avant de rejoindre l’étang de Salses, où il tombe progressivement dans l’oubli. « Certains de nos adhérents ont entendu parler de ce bateau, échoué près du Barcares depuis une quinzaine d’années.

Il fallait sauver sa mémoire, explique le président des Voiles latines Jacques Molinari. Dans son état, le sortir de l’eau nous a pris trois ans. Il aura fallu quatre années de plus pour le restaurer ! »

Jacques Molinari poursuit : « Ce qui nous a convaincus, c’est son intérêt patrimonial. Ce bateau a une vraie valeur historique, notamment pour la Tunisie et plus encore pour les habitants des Kerkennah. C’est en quelque sorte un témoin du passé, que nous avons pris comme objet d’étude pour documenter en profondeur ce type d’embarcation ».

Notons que la restauration du Haj Ameur a coûté la bagatelle de 25.000 euros et mobilisé une cinquantaine de bénévoles de l’association Voiles Latines. De plus, 90 % du bateau a été repris, mais en respectant scrupuleusement les caractéristiques de l’époque.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

Share post:

Subscribe

spot_imgspot_img

Popular

More like this
Related