Mort de la chanteuse algérienne Hasna El Becharia, la « rockeuse du désert »

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Chanteuse à la voix âpre et rugueuse et musicienne, femme libre, au caractère fort, mais aussi pétrie d’humour et de tendre malice, profondément généreuse, Hasna El Becharia, née Hosni Hasniat, est décédée d’une crise cardiaque le 1er mai à Béchar, sa ville natale, ville de garnison sous l’occupation française, située dans le Sahara algérien, proche de la frontière marocaine. Elle avait 73 ans.

Pionnière de la musique diwane, la musique des gnaouas d’Algérie – inspirée de traditions profanes et sacrées héritées des anciens esclaves noirs subsahariens en Afrique du Nord –, elle fut la première femme à jouer du guembri, le luth aux notes sombres d’ordinaire « réservé » aux hommes. La première aussi à s’emparer de la guitare électrique dans les mariages, à l’âge de 20 ans, parce qu’elle ne supportait plus qu’on ne l’entende pas lorsqu’elle y jouait du oud (luth oriental). Elle lui préférera désormais la guitare et le guembri qui met magnifiquement en valeur sa singularité vocale.

Femme téméraire, elle sortait le soir, malgré le couvre-feu, pendant la « décennie noire » en Algérie (la guerre civile des années 1990) et recueillait chez elle des femmes répudiées par leur mari. « Fille d’un maître du diwane, elle a d’abord joué pour les siens, gardant farouchement sa musique au sein de sa communauté, refusant même d’enregistrer un disque par respect pour la pureté de la tradition », explique Sara Nacer, réalisatrice du documentaire La Rockeuse du désert (avril 2022). « On m’a fait mille propositions d’enregistrement, mais j’ai refusé. Je ne voulais pas me faire avoir », racontait la chanteuse après son arrivée à Paris en 1999 pour participer au festival Femmes d’Algérie, cinq nuits d’un destin, au Cabaret sauvage, où sera également découverte sa compatriote Souad Massi.

Héritage culturel

Elle finit pourtant par accepter l’idée de faire un album, Djazaïr Johara (Label Bleu, 2001) sous la direction artistique du guitariste Camel Zekri. « Je suis très touché par son décès, confie le musicien. Elle est venue me voir car, comme elle, j’appartiens à une des grandes familles gnaouas d’Algérie. » Il accepte de l’accompagner dans son projet parce que celui-ci « s’inscrit dans une responsabilité de sauvegarde du patrimoine », puis l’invite à s’installer chez lui plusieurs semaines en Normandie. « Ce moment privilégié et cet environnement bienveillant étaient la seule façon de travailler avec Hasna. Tout ça s’est fait naturellement, loin de tout agencement commercial. »

Cet album, ainsi que ses tournées et plusieurs passages dans des festivals, la font connaître du public occidental qui découvre cette chanteuse interprétant une musique envoûtante aux allures de blues minimaliste, dont les paroles disent sa foi, louent le Prophète et célèbrent l’amour de sa terre. Son deuxième album, Smaa Smaa (Lusafrica, 2010), enregistré sous la direction musicale de Teofilo Chantre, Francesco Sardella et Souad Asla, témoigne encore de sa connexion avec son héritage culturel, chaque composition est « une ode aux saints légendaires du désert, un voyage entre le sacré et le profane », analyse la réalisatrice Sara Nacer.

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