« La politique du bon plaisir présidentiel donne un signal de fébrilité et d’instabilité dommageable »

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Le gouvernement veut que l’Assemblée nationale adopte lundi 13 mai un projet de loi constitutionnelle visant à changer le corps électoral pour les élections provinciales en Nouvelle-Calédonie. D’apparence bénigne, cette décision serait une véritable bombe contre la paix civile en Calédonie. Voyons l’histoire. A la suite des « événements » des années 1980, la paix fut conclue par les accords de Matignon-Oudinot en 1988.

Ce choix du dialogue plutôt que de la guerre a été poursuivi par l’accord de décolonisation de Nouméa, conclu en 1998. Celui-ci prévoyait entre autres un corps électoral spécifique. C’est la conséquence de la reconnaissance de l’existence de deux peuples vivant sur place dont l’un colonisé. C’est en même temps la reconnaissance d’une citoyenneté calédonienne spécifique.

En 2007, sous la présidence de Jacques Chirac, le maintien de ces modalités a été inscrit dans la Constitution afin de respecter la parole donnée par l’Etat. La période ouverte par l’accord de 1998 pouvait inclure jusqu’à trois référendums d’autodétermination. En cas de vote de refus de l’indépendance, les partis politiques locaux doivent examiner la situation ainsi créée. Mais ils ne peuvent revenir sur le caractère irréversible des transferts de compétences déjà acté par l’accord.

La remise en cause de l’objectif de décolonisation

Le « non » l’a emporté une première fois à 56,7 % en 2018, puis une seconde à 53,3 % en 2020. Mais, alors qu’il était initialement convenu avec le gouvernement que le troisième référendum aurait lieu en 2022, Macron a avancé le scrutin en décembre 2021, en pleine crise du Covid-19. Ce, malgré la demande de report formulée par les partisans de l’indépendance, afin de respecter la période de deuil coutumier. Ils ont alors boycotté le scrutin, et ne reconnaissent pas la validité du résultat du fait d’un taux d’abstention record de 56,13 % (contre 14,31 % en 2020).

Comment pourrait-on considérer comme légitime le scrutin d’autodétermination d’un peuple, alors que le peuple concerné n’a pas participé au vote ? Dans ce climat d’extrême défiance légitime, la reprise des discussions fut difficile. Elles étaient néanmoins en cours, et l’un des sujets cruciaux du débat porte précisément sur la composition du corps électoral. La décision unilatérale du gouvernement d’imposer brutalement une modification significative du corps électoral (+ 14 %) vient de nouveau faire dérailler le processus du dialogue et remettre en cause l’objectif de décolonisation.

Elle bafoue le vote du peuple français qui, en 1988, a reconnu l’existence d’un peuple premier et donc le fait colonial. Il ne peut y avoir de destin commun sans que la voix du peuple kanak ne soit entendue et respectée. Il faut discuter et cela aussi longtemps qu’il n’y a pas d’accord. Pendant ce temps, l’organisation actuelle suffit à assurer les responsabilités nécessaires à la vie du territoire.

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