En se retirant du Niger, les forces américaines perdent une position stratégique au Sahel

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Avec l’envoi d’une délégation au Niger, mercredi 15 mai, pour discuter des modalités de retrait de leurs troupes – une exigence du régime militaire arrivé au pouvoir en juillet –, les Etats-Unis s’apprêtent à abandonner une position stratégique au Sahel, où la Russie et l’Iran gagnent du terrain. Les autorités nigériennes avaient dénoncé en mars l’accord de coopération militaire en vigueur avec les Etats-Unis, estimant que la présence des soldats américains déployés dans le cadre de la lutte antidjihadiste était désormais « illégale ».

La base aérienne 201, située en périphérie d’Agadez (nord), permettait depuis 2019 aux drones et aéronefs américains de mener des missions de surveillance dans une vaste région aux frontières poreuses, où prolifèrent les groupes armés (notamment djihadistes) et les trafics d’armes, de drogue et d’êtres humains. Les drones Reaper de l’armée américaine pouvaient ainsi survoler le territoire du Niger jusqu’aux confins de la Libye, du Tchad, du Nigeria et du Mali, des pays qui disposent de capacités de surveillance aérienne limitées.

Les militaires au pouvoir à Niamey ont exigé le départ des forces américaines après que des responsables de Washington ont exprimé leur préoccupation concernant « les relations potentielles du Niger avec la Russie et l’Iran ». Après le Mali et le Burkina Faso, le Niger est le troisième pays du Sahel à connaître un coup d’Etat et à rompre ses partenariats avec des pays occidentaux pour se tourner vers la Russie.

Des signes de rapprochement avec l’Iran

Le sort des réserves d’uranium du Niger, septième producteur mondial, inquiète les responsables américains. Ces derniers mois, l’Iran a fortement augmenté son stock d’uranium enrichi, selon l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), et Téhéran multiplie les signes de rapprochement avec Niamey depuis le coup d’Etat du 26 juillet 2023. Le premier ministre nigérien, Ali Mahamane Lamine Zeine, a toutefois assuré mardi dans une interview au Washington Post que « rien » n’avait été signé avec l’Iran concernant l’uranium.

Fin 2023, le nombre de soldats américains déployés au Niger était estimé à 650, auxquels s’ajoutent quelques centaines de contractuels. Une partie de ces soldats sont stationnés dans la base aérienne d’Agadez, une autre à l’intérieur de la base aérienne 101 des forces armées nigériennes, à Niamey, aux côtés d’autres contingents étrangers. Les militaires américains étaient principalement déployés au Niger et au Tchad voisin dans le cadre de la lutte antidjihadiste, mais toute coopération militaire avait été suspendue au Niger dans la foulée du coup d’Etat.

Auparavant, des forces spéciales américaines intervenaient discrètement aux côtés de l’armée nigérienne contre les groupes djihadistes. Le 4 octobre 2017, quatre soldats américains et cinq militaires nigériens avaient été tués dans une embuscade du groupe Etat islamique (EI) à Tongo Tongo, un village de la région de Tillabéri, à une vingtaine de kilomètres de la frontière avec le Mali.

Les drones américains appuyaient également l’armée nigérienne contre les groupes djihadistes de Boko Haram et de l’Etat islamique en Afrique de l’Ouest (Iswap) dans le sud-est du pays, proche du Nigeria. Enfin, les Etats-Unis menaient des opérations de renseignement, de surveillance et de reconnaissance, qui avaient repris en septembre 2023 mais uniquement à des fins de « protection des forces » américaines, selon le département de la défense.

Une présence étrangère mal perçue

Les Etats-Unis fournissent du matériel militaire au Niger depuis 1962, au lendemain de l’indépendance de cette ancienne colonie française. Véhicules blindés, avions de surveillance et de transport militaire, centre de communication et de transmissions… Ces livraisons avaient augmenté dans le cadre de la lutte contre les djihadistes. L’armée nigérienne et ses officiers ont également accès depuis 1980 au programme International Military Education an Training (IMET), qui permet le financement des études et la formation de militaires étrangers, y compris dans les centres et académies aux Etats-Unis.

L’opinion nigérienne est depuis longtemps hostile à la présence de forces étrangères sur son territoire. En 2022, environ deux tiers des Nigériens n’étaient « pas d’accord que le gouvernement ait recours aux forces militaires étrangères pour sécuriser le pays », selon un sondage Afrobarometer. Le départ des forces françaises, en décembre, avait suscité peu de controverses dans ce pays où les groupes armés continuent de perpétrer des attaques malgré l’engagement des partenaires occidentaux.

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En matière de sécurité, « la région d’Agadez ne trouve aucune utilité à la présence des Américains », affirme à l’AFP Amodi Arrandishou, président d’une plateforme d’organisations de la société civile à Agadez. « Les Américains sont restés sur notre sol sans rien faire quand les terroristes tuaient nos populations et brûlaient des communes » a renchéri, mardi, le premier ministre.

Le Monde avec AFP

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