Réduction du déficit français : Bruxelles n’est pas convaincue

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Décidément, la trajectoire de réduction du déficit présentée par Bercy n’arrête pas d’essuyer les critiques. Après avoir été étrillé par le Haut Conseil des finances publiques le mois dernier, le scénario est jugé trop optimiste par la Commission européenne. Dans ses « prévisions macroéconomiques de printemps » publiées mercredi 15 mai, l’institution européenne estime que le déficit public de la France devrait atteindre 5,3 % du PIB en 2024 et 5 % en 2025 contre 5,1 % en 2024 et 4,1 % en 2025, selon les prévisions de Bercy.

Dans les deux cas, la France reste très loin de l’objectif européen, fixé à 3 % du PIB maximum. Cet été, Bruxelles examinera officiellement la trajectoire française de réduction du déficit et devrait, selon toute vraisemblance, imposer à la France une « procédure de déficit excessif ».

Cette mesure, qui a déjà été appliquée à la France entre 2009 et 2018, astreint l’État membre à suivre une trajectoire de réduction des dépenses et de sa dette, négociée avec l’Union européenne. En théorie, les pays risquent des sanctions financières, bien que celles-ci n’aient jamais été appliquées. La France a toujours bénéficié d’une relative indulgence « parce que c’est la France » avait déclaré Jean-Claude Juncker, alors président de la Commission européenne, en 2016.

Des effets de réduction du déficit compensés par les intérêts de la dette

Dans son avis, Bruxelles observe qu’en 2025 « le ratio des recettes ne devrait augmenter que marginalement, le ratio des dépenses devrait augmenter de 0,5 point de pourcentage, principalement en raison du rebond de la croissance ». Dans son calcul, la Commission intègre certaines des mesures d’économies annoncées par le gouvernement et « suffisamment détaillées » ainsi que le « retrait de la plupart des mesures liées à l’énergie ».

Néanmoins, « ces effets de réduction du déficit devraient être en partie compensés par la forte augmentation prévue des paiements d’intérêts sur la dette publique, qui devraient atteindre environ 2 % du PIB », estime l’institution européenne. Selon les calculs de Bercy, cette charge devrait atteindre au moins 54 milliards d’euros en 2025.

De son côté, le ministère de l’Économie se défend. « On ne partage pas du tout cette analyse, la Commission européenne ne prend pas en compte les économies qu’on fera au PLF (projet de loi de finances) 2025 », fait savoir le ministère qui explique par ailleurs ne pas vouloir donner de chiffres concernant ces efforts budgétaires : « ça dépendra de la croissance ».

Risque d’un effet récessif

Concernant la croissance, justement, la Commission se montre, cette fois encore, légèrement plus pessimiste que le gouvernement en tablant sur une croissance de 0,7 % en 2024, puis à 1,3 % en 2025. De son côté, le ministère de l’Économie mise sur une croissance à 1 % en 2024 – contre l’avis du consensus des économistes, plus proche de celui de Bruxelles – et à 1,4 % en 2025.

L’institution européenne met aussi en lumière la probable remontée du chômage, passant de 7,1 % au premier trimestre 2023 à 7,7 % en 2024 puis 7,8 % en 2025. Loin, donc, de l’objectif de plein-emploi – moins de 5 % de chômage – poursuivi par Emmanuel Macron. « La croissance de l’emploi ralentirait en 2024 et 2025 […], avec la diminution de l’effet des contrats d’apprentissage sur la croissance de l’emploi, le retour des heures travaillées à leurs niveaux de 2019 et de la productivité du travail », justifie la Commission.

L’institution européenne se montre aussi plus frileuse sur la trajectoire de réduction de la dette publique. Bercy affiche l’objectif, pourtant pas très ambitieux, de parvenir à 112,3 % du PIB en 2024, puis à 113,1 % en 2025. La Commission table sur 112,4 % en 2024 et 113,8 % en 2025 en raison des « déficits primaires élevés et (de) la hausse des taux d’intérêt ».

Enfin, Bruxelles s’inquiète que « les mesures de réduction du déficit annoncées par le gouvernement […] devraient peser sur la croissance ». Cette réserve avait déjà été formulée par le Haut Conseil des Finances publiques, un organisme indépendant rattaché à la Cour des comptes. « La mise en œuvre de l’ajustement structurel prévu pèsera nécessairement, au moins à court terme, sur l’activité économique, si bien que les prévisions de croissance élevées du gouvernement […] apparaissent peu cohérentes avec l’ampleur de cet ajustement », avait écrit le Haut Conseil dans un avis publié le 17 avril.

Bercy, encore une fois, se défend de toute erreur de calcul. « Sur l’effet récessif, on ne partage pas du tout cette analyse. On pense qu’en 2025 et 2026, il va y avoir un fort rebond en France, une forte dynamique de croissance. Notre stratégie est claire : on veut bien dépenser, il y aura des dépenses d’investissement qui vont rester », justifie le ministère. Reste à savoir si cette stratégie convaincra l’agence de notation Standard & Poors, qui doit rendre son verdict sur la capacité de la France à faire face à sa dette, le 31 mai.


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