« Le lire ? Même pas en rêve ! », rétorque un passant à Bernard Guetta, qui l’implore de jeter un œil au prospectus qu’il lui tend. Samedi 18 mai au matin, le numéro deux de la liste de la majorité présidentielle pour les élections européennes du 9 juin mène campagne en se prêtant au jeu de la distribution de tracts sur le marché de Calais (Pas-de-Calais). Une première pour l’eurodéputé sortant, qui s’était soustrait à l’exercice en 2019. Son dernier tractage remonte à ses années lycée, à la fin des années 1960, quand avec des camarades des Jeunesses communistes révolutionnaires, il militait contre la guerre du Vietnam.
Cinquante ans plus tard, le voilà dans la rue à défendre la politique d’Emmanuel Macron face à une jeune femme, bénévole au Secours catholique, qui vient en aide aux migrants. « Votre bilan est dramatique comme député européen pour les personnes exilées, notamment ici à Calais où il y a eu 22 morts cette année », le critique-t-elle.
Puis, c’est une auditrice de France Inter – où il a tenu une chronique géopolitique pendant vingt-sept ans, de 1991 à 2018 – qui le reconnaît : « Monsieur Guetta ! Moi qui vous ai écouté avec tant d’admiration pendant tant d’années… Et tout ça pour s’apercevoir qu’en fait, vous êtes de droite ! » « Pourquoi dites-vous que je suis de droite ? », tente l’ancien journaliste du service public. Son interlocutrice désigne le visage d’Emmanuel Macron sur le tract qu’il tient à la main. « Vous n’allez pas me faire croire que lui, il n’est pas de droite ! On a voté pour lui pour faire barrage au Rassemblement national. Et depuis, il ne fait que nous cracher à la gueule ! » La sexagénaire disparaît dans un éclat de colère en déchirant le programme qu’il essaie malgré tout de lui remettre.
« C’est notre Glucksmann à nous »
« Ces gens sont des militants d’extrême gauche », cherche à minimiser la conseillère départementale du Pas-de-Calais et ancienne ministre de la santé, Brigitte Bourguignon, qui l’accompagne pour la matinée. M. Guetta s’interroge, lui, sur « le mécanisme psychique qui amène à trouver un responsable à tous les malheurs du monde », en l’occurrence Emmanuel Macron.
Mais il n’y a pas que sur les marchés que les déçus du macronisme se recrutent à tour de bras. On en trouve même au sein du premier cercle politique de Bernard Guetta. Ces derniers mois, le député européen Renew a vu son grand ami Daniel Cohn-Bendit rompre avec la macronie. « Bernard [Guetta] est persuadé qu’il fait encore un travail important là où il est, déclare M. Cohn-Bendit au Monde. Moi, j’estime que la France a besoin d’une perspective écologiste et socialiste à laquelle participe Raphaël Glucksmann. »
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