« En Nouvelle-Calédonie, en forçant les feux et en bousculant le calendrier, l’Etat a aggravé le sentiment de partialité »

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Jean-François Merle, conseiller de Michel Rocard pour les outre-mer lors de la négociation des accords de Matignon sur l’archipel en 1988, est aujourd’hui expert à la Fondation Jean Jaurès. Il considère que la tenue du troisième référendum sur l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie « sans accord général sur les conditions de son organisation, ni sur la date […] a été une faute majeure ». Il estime par ailleurs qu’un accord politique d’ici à la fin juin est « extrêmement difficile à imaginer », car « la fabrique du consensus requiert du temps ».

L’avion du président de la République, Emmanuel Macron, se posera à Nouméa jeudi 23 mai au matin. A-t-il raison d’aller en Nouvelle-Calédonie ?

Il est difficile de répondre à cette question, car on ne sait pas ce qu’il va y faire. D’après la porte-parole du gouvernement [Prisca Thevenot], il va installer une « mission », dont on ne connaît ni les contours ni la composition. Aucune mission ne pourra réussir à rétablir le dialogue si elle a un calendrier et des objectifs contraints. L’essentiel, c’est de dire que le projet de loi [de réforme constitutionnelle] n’est plus sur la table, qu’il n’y a plus de date butoir et qu’il faut maintenant remettre tout le monde dans la discussion d’un accord global.

Emmanuel Macron refait-il le coup du président François Mitterrand, qui avait effectué une visite surprise de douze heures sur le Caillou en 1985 ?

Quand François Mitterrand est allé en Nouvelle-Calédonie en 1985, il y avait un projet sur la table, celui du délégué du gouvernement, Edgard Pisani, d’indépendance-association.

François Mitterrand était allé là-bas pour voir si ce projet était acceptable par les uns et les autres. Aujourd’hui, quel est le projet sur la table ? Il n’y en a pas.

Le « dégel » du corps électoral, qui fait l’objet d’un projet de loi de réforme constitutionnelle, ne fait-il pas un projet ?

Non. Ce n’est pas un projet pour la Nouvelle-Calédonie, c’est un projet pour les non-indépendantistes. On est dans la partialité de l’Etat.

Le seul engagement d’Emmanuel Macron suffira-t-il à résoudre la crise ?

J’ai constaté que les visites improvisées du président de la République dans d’autres circonstances, que ce soit à Beyrouth sur le plan international [en 2020] ou à Saint-Martin après le cyclone [en 2018], n’avaient pas produit les résultats escomptés.

Un accord politique d’ici à la fin juin en Nouvelle-Calédonie vous paraît-il possible ?

C’est extrêmement difficile à imaginer. En Nouvelle-Calédonie, comme dans le reste de l’Océanie, la fabrique du consensus requiert du temps. Il faut que la parole circule, que les gens se l’approprient. Les silences comptent autant que les mots. Cela ne fonctionne pas comme une start-up, avec des boutons sur lesquels on appuie.

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