Présenté en compétition au Festival de Cannes 2024, Marcello Moi de Christophe Honoré est un film de fiction qui allie comédie et réflexion introspective. L’histoire se concentre sur Chiara Mastroianni, fille des légendaires Marcello Mastroianni et Catherine Deneuve, qui un matin, en se regardant dans le miroir, voit non pas son propre reflet, mais celui de son père. Elle traverse alors une crise existentielle en se glissant dans la peau de son père décédé. Actrice en pleine tourmente, Chiara décide de passer un été à vivre comme Marcello Mastroianni, adoptant ses vêtements, son langage et ses habitudes, au point que son entourage finit par la considérer comme Marcello.
Le film aborde la crise de la cinquantaine de Chiara, une période de remise en question profonde où elle cherche à redéfinir son identité. Être la fille de deux icônes du cinéma n’est pas une tâche facile, et Chiara se débat avec le poids de cet héritage. Christophe Honoré illustre ce dilemme à travers des scènes symboliques, telles que l’audition où la réalisatrice Nicole Garcia, jouant son propre rôle, demande à Chiara d’être « un peu moins Catherine et un peu plus Marcello« . Cette demande révèle les attentes contradictoires et souvent irréalistes placées sur elle.
En parallèle, le film explore avec finesse les défis liés à être la « fille de ». Chiara est constamment comparée à ses parents, compliquant sa quête d’une identité propre. La question centrale demeure : peut-elle trouver sa propre voie ou est-elle condamnée à vivre dans l’ombre de ses parents célèbres ?
Lors de la conférence de presse qui a suivi la projection du film, Catherine Deneuve a insisté sur le fait que sa fille Chiara a toujours été très patiente et a su répondre aimablement aux questions et aux remarques par rapport à ses parents célèbres.
Marcello Moi n’est pas seulement un voyage introspectif pour Chiara, mais aussi un hommage à Marcello Mastroianni, dont on célèbre cette année le centenaire. Le film utilise ce contexte pour explorer le thème de la transmission entre générations et la manière dont les enfants de célébrités peuvent ou doivent porter l’héritage de leurs parents. Honoré tisse une réflexion plus large sur la célébrité, l’héritage culturel et l’importance de se reconnecter avec le passé pour mieux comprendre le présent.
Le film rend un hommage délicat à Marcello Mastroianni. Chiara s’habille d’ailleurs comme son père dans son rôle dans Huit et demi de Federico Fellini. Ce film, présenté à Cannes en 1963, racontait l’histoire d’un réalisateur dépressif fuyant le monde du cinéma pour se réfugier dans un univers peuplé de fantasmes. Le festival de Cannes a d’ailleurs rendu hommage à ce film en 2014 en le choisissant pour figurer sur l’affiche de sa 67ème édition.
L’œuvre de Christophe Honoré parvient à créer une atmosphère où réalité et fiction se confondent. Les scènes où Chiara incarne Marcello sont habilement entrelacées avec des éléments de sa propre vie, brouillant les frontières entre réel et imaginaire. Le réalisateur utilise des séquences oniriques et des références cinématographiques pour enrichir la narrative, tout en rendant hommage à l’héritage de Marcello Mastroianni. Cependant, cette approche artistique peut parfois sembler superficielle, laissant le spectateur en quête d’une réflexion plus profonde.
Malgré l’attente suscitée par ce film, certains critiques, y compris moi-même, ont exprimé une déception, espérant une approche plus sérieuse et plus cohérente. La comédie plaisante du film manque de profondeur et de consistance. Bien que les performances soient remarquables, en particulier celle de Chiara Mastroianni, qui dans le film est devenue un véritable sosie de son papa, la légèreté du ton empêche une exploration plus poussée des thèmes abordés.
Marcello Moi est un film qui ne laisse pas indifférent. En explorant les thèmes de la crise existentielle, du poids de l’héritage et de la transmission, Christophe Honoré offre une œuvre riche en émotions et en réflexions, mais qui manque malheureusement de profondeur. Chiara Mastroianni, par sa performance sincère et intense, nous entraîne dans un voyage introspectif fascinant, rendant hommage à son père tout en cherchant à se libérer de son ombre. Un film à voir et à méditer, malgré ses lacunes, par les admirateurs et les nostalgiques de Marcello Mastroianni, comme moi !
Neïla Driss
