le bonus-malus, cette mesure qui empoisonne les débats

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« Je souhaite étendre [le bonus-malus sur les contrats courts] », a expliqué Gabriel Attal dans une interview à La Tribune publiée dimanche 26 mai. Dans cet entretien, le Premier ministre a déroulé les principaux points de la nouvelle convention de l’assurance-chômage. Parmi ceux-ci, Gabriel Attal confirme son intention d’élargir le bonus-malus. Ce système fixe le taux des cotisations chômage d’une entreprise en fonction de la durée des contrats de travail qu’elle propose.

« Je charge [la ministre du Travail] Catherine Vautrin de mener une concertation pour identifier les secteurs qui auront vocation à entrer dans ce système et à quel rythme », précise Gabriel Attal. Une nouvelle qui déplaît fortement au patronat. Voici ce qu’il faut savoir sur ce dispositif, défendu par Emmanuel Macron depuis sa campagne de 2017, entré en vigueur en septembre 2022.

Comment le système du bonus-malus fonctionne-t-il ?

Le principe est simple : plus une entreprise propose de contrats de travail de courte durée, plus sa cotisation chômage sera élevée. Jusqu’à maintenant, ce dispositif concerne les entreprises de plus de 11 salariés, dans 7 secteurs d’activité qui sont :

  • l’industrie agroalimentaire

  • les activités spécialisées, scientifiques et techniques

  • l’hébergement et la restauration

  • l’assainissement des eaux, la gestion des déchets et la dépollution

  • les transports et l’entreposage

  • la fabrication de produits en caoutchouc et en plastique, et d’autres produits non métalliques

  • le travail du bois, l’industrie du papier et l’imprimerie

Pour celles-ci, on regarde le nombre de salariés qui quittent l’entreprise (fins de CDI, de CDD ou d’intérim) et on divise ce nombre par l’effectif total. Ce ratio est comparé au ratio médian du secteur d’activité durant l’année. En fonction de cette comparaison, l’entreprise verra sa cotisation varier entre 3 et 5,05 % de sa masse salariale.

Bonus et malus s’équilibrent au sein de chaque secteur, si bien qu’il n’y a pas de recette pour la caisse d’assurance-chômage.

Quel est le but de ce système ?

Le but est de pousser les employeurs à proposer des contrats de durée longue plutôt que courte. Cela s’inscrit dans l’objectif du plein-emploi que s’est donné l’exécutif. Il s’agit aussi de lutter contre la « permittence », expression qui désigne le fait de travailler une partie du mois et de toucher en même temps les aides au chômage. Cela peut arriver lorsqu’on alterne des contrats de courte durée avec des périodes de chômage. Au quatrième trimestre de l’année 2023, les personnes dans cette situation représentaient 49 % des allocataires.

Dans une tribune publiée dans le journal Le Monde, en 2017, soit avant le système du bonus-malus, les économistes Jean Tirole, Prix Nobel d’économie 2014, et Olivier Blanchard, ancien chef économiste du FMI, écrivaient ceci : « Les entreprises ne sont sensibilisées qu’à une petite partie du coût imposé par un CDD à la caisse d’assurance-chômage. Avec, par exemple, pour conséquence une très forte augmentation du recours à des contrats très courts, dans lesquels les travailleurs sont employés durant moins d’un mois puis reçoivent des allocations de chômage et sont ensuite réemployés par la même entreprise. Dans certains cas, la caisse d’assurance paie près de la moitié du revenu du salarié. »

Parmi les dépenses d’indemnisation en 2023, 34 % étaient liées aux fins de contrats à durée limitée (CDD, intérim, apprentissage) – contre 40 % en 2020. En plus d’être très coûteux pour la caisse d’assurance-chômage, les contrats courts mettent les salariés en situation de précarité.

Qu’en pensent les partenaires sociaux ?

Les organisations patronales sont vivement opposées à cette mesure et à sa généralisation. Ainsi, Damien Verdier, le président du Groupement des professions de services, signale que les entreprises de son secteur d’activité « ont besoin d’utiliser des contrats de courte durée pour pallier les absences imprévues ou des pics d’activité saisonniers – des périodes critiques durant lesquelles chaque heure de travail compte ».

« Nous restons fermement opposés à une généralisation ou même à une simple extension du bonus-malus », a déclaré le président du Medef, Patrick Martin, à l’issue d’une réunion avec la ministre du Travail, Catherine Vautrin, la semaine dernière.

À la CPME, on explique que les secteurs jusqu’à présent concernés englobent des entreprises aux modèles économiques très différents. « Dans l’hôtellerie, on trouve aussi bien les traiteurs que les hôtels ; dans les transports, il y a la SNCF comme les entreprises qui exploitent les remontées mécaniques au ski », s’agace Éric Chevée, le vice-président de la CPME.

Dans l’accord trouvé en novembre par les partenaires sociaux [retoqué par le gouvernement, qui l’a jugé trop imprécis sur les moyens de parvenir à l’équilibre budgétaire], le patronat avait obtenu que la nomenclature soit redéfinie avec des secteurs plus fins. Il avait aussi obtenu que les séparations ne concernent plus que les CDD de moins d’un mois. « Si extension il y a, il faut une nomenclature fine des secteurs d’activité, et restreindre aux CDD de moins d’un mois. Surtout pas la généralisation du dispositif », conclut Éric Chevée.

De leur côté, les syndicats y sont favorables, et aimeraient même voir sa généralisation à tous les secteurs. S’ils ne font pas de sa généralisation un cheval de bataille, celle-ci leur paraît une moindre compensation au vu du durcissement pour les demandeurs d’emploi des conditions d’obtention de l’allocation chômage.

Ce dispositif est-il efficace ?

Une étude de la Dares (qui dépend du ministère du Travail), publiée en février, semble montrer que le bonus-malus a fait baisser le taux de séparation au sein des entreprises concernées. Pour arriver à cette conclusion, l’étude a comparé le taux moyen des entreprises qui relèvent du dispositif à celui des entreprises qui n’en relèvent pas mais dont les secteurs d’activité présentent des taux relativement élevés avant son instauration.

Avant 2022, année d’entrée en vigueur du dispositif, ces taux étaient similaires. Sans le dispositif, il est probable que ces taux seraient restés similaires après 2022. Or on constate qu’« après la mise en place de la mesure les fins de contrat sont moins fréquentes dans les entreprises appartenant aux secteurs relevant de la modulation que dans celles appartenant à des secteurs aux comportements de séparation relativement proches mais non concernés par le dispositif ».

Toutefois, l’étude souligne que « d’éventuelles situations conjoncturelles spécifiques à certains secteurs pourraient toutefois expliquer une partie des évolutions observées ».


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