Cloué au sol. Ce mardi 28 mai, lorsque Gabriel Attal reçoit Le Monde au premier étage de l’hôtel de Matignon, le premier ministre est depuis la veille contraint par la traditionnelle période de réserve. Ni annonce, ni déplacement officiel jusqu’au scrutin des européennes, le 9 juin. Le premier ministre bout d’impatience à l’idée d’aller commémorer les 80 ans du Débarquement. Le 6 juin, le chef de la majorité devrait retrouver à Omaha Beach, en Normandie, son « ami » Justin Trudeau, le premier ministre canadien, auquel il a rendu visite en avril, et jubile à l’idée de saluer le prince William, héritier du trône d’Angleterre. Emmanuel Macron sera, lui, aux côtés de Charles III. A lui le prince, au chef de l’Etat le roi. Tout un symbole.
Le trentenaire semble encore grisé par sa prestation télévisée lors du débat qui l’a opposé, cinq jours plus tôt, au chef du Rassemblement national (RN), Jordan Bardella. « Tu l’as plié », l’a félicité Valérie Hayer, tête de liste du camp présidentiel aux européennes, une fois l’émission terminée. A maintes reprises ce soir-là, le chef du gouvernement pense avoir mis en évidence les approximations de son adversaire. « Sur le marché unique, il a un peu pataugé », juge-t-il. Son interlocuteur avait devant lui une kyrielle de fiches, quand Gabriel Attal est venu les mains vides. « On peut avoir besoin de fiches, on n’est pas des ordinateurs », l’excuse le diplômé de Sciences Po, comme pour mieux souligner sa supériorité intellectuelle.
François-Xavier Bellamy, tête de la liste des Républicains, comme Raphaël Glucksmann, candidat de la gauche, se sont offusqués de ce duel qui met une fois de plus en scène le RN, éclipsant les adversaires modérés de la macronie. Gabriel Attal rappelle qu’il a longtemps refusé de débattre avec le leader d’extrême droite. « Je me suis interrogé plusieurs fois, car je ne veux pas lui faire trop de crédit. Mais j’ai décidé d’y aller parce qu’il est nécessaire de montrer combien le RN est fragile et dangereux sur le fond, et pétri d’incohérences », explique le premier ministre, assurant qu’il n’avait rien à gagner, et tout à perdre, dans ce débat.
« Les Français ne sont pas dans la campagne »
Satisfait d’avoir, finalement, franchi l’obstacle, Gabriel Attal estime avoir « boosté les militants » et contribué à « rééquilibrer » la ligne politique jugée trop droitière par l’aile gauche macroniste depuis le vote du projet de loi sur l’immigration. « Je suis fier de ne pas être d’accord avec [Jordan Bardella] et je n’accepterai jamais qu’on considère que derrière chaque immigré se cache un délinquant ou un terroriste », répète-t-il, tout en étant conscient que le match n’aura que peu d’effet sur la campagne européenne. « Ce n’est pas un débat qui à lui seul change une dynamique, c’est un ensemble », souffle-t-il.
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