En Afrique du Sud, des queues interminables devant les bureaux de vote pour une élection incertaine

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En Afrique du Sud, la journée a débuté avec des files d’attente qui s’étiraient parfois sur plus d’un kilomètre et des citoyens impatients de glisser leurs bulletins de vote dans les urnes, mercredi 29 mai, alors que les électeurs étaient appelés à élire leurs représentants nationaux et provinciaux pour la septième fois depuis l’avènement de la démocratie. Un scrutin aux contours inédits pour le pays : au pouvoir depuis trente ans, le Congrès national africain (ANC) pourrait perdre sa majorité absolue pour la première fois depuis la fin de l’apartheid, en 1994.

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« 2024 est notre 1994 », répètent à l’envi les partisans du changement, exaspérés par le chômage massif, le taux de criminalité record, la corruption ou encore la déliquescence des infrastructures qui plombent le bilan de l’ANC. Il est encore trop tôt pour savoir si ces électeurs précipiteront la chute du Congrès national africain sous la barre des 50 % de sièges à l’Assemblée nationale, l’obligeant ainsi à former une coalition pour élire le prochain président. Mais l’affluence dans les bureaux de vote laisse entrevoir une participation importante. A 11 heures, la majorité des 26 millions d’électeurs inscrits sur les listes électorales s’était déjà rendue aux urnes, selon la commission électorale.

Une indication que la participation devrait au moins égaler celle de 2019, qui avait vu 66 % des votants se déplacer dans les bureaux de vote. « Ça pourrait marquer la fin du déclin de la participation, mais il est difficile de savoir à qui cela pourrait profiter », note l’analyste électoral Wayne Sussman. Si de longues files d’attente ont été observées dans la région du Cap, traditionnellement acquise à l’Alliance démocratique, le principal parti d’opposition, le spécialiste indique manquer de données à l’échelle du pays pour tirer un enseignement de ce constat.

« On en a marre de survivre »

A Soweto, Agnès (les personnes citées n’ont pas souhaité donner leur nom) est de ceux qui se sont levés aux aurores pour prendre part à cette élection cruciale. Dès 6 heures, elle était devant son bureau de vote, emmitouflée dans une couverture, en attendant l’ouverture du scrutin une heure plus tard. A 76 ans, elle a voté pour l’ANC depuis les premières élections libres en 1994 et, malgré la grogne qui menace le parti au pouvoir, elle ne compte pas changer ses habitudes. « Je suis venue voter pour ceux qui me font vivre », souligne-t-elle avec entrain, en faisant allusion à la pension qui lui permet d’aider sa famille dont une partie est sans emploi, comme 32,9 % des Sud-Africains.

« Les pensions ne suffisent plus, on en a marre de survivre », s’exclame à l’inverse Kelebogile, 37 ans, à quelques kilomètres de là. « C’est la première fois que je suis aussi enthousiaste à l’idée de voter, il y a plus de partis qu’avant, on peut trouver celui qui nous correspond ! On a donné une chance à l’ANC, puis une autre, et une autre, maintenant, c’est le changement », précise-t-elle. La jeune femme se dit écœurée par le chômage et le taux de criminalité « complètement dingue ».

Paradoxalement, elle votera pour un visage bien connu : celui de l’ancien président Jacob Zuma, poussé à la démission par ses camarades de l’ANC en 2018 sur fond de multiples scandales. Accusé d’avoir joué un rôle central dans l’explosion de la corruption durant son mandat, l’ancien dirigeant a pris la tête d’un nouveau parti créé en septembre 2023, uMkhonto we Sizwe (MK), dans l’espoir de miner le capital de son rival, l’actuel président Cyril Ramaphosa, qui a pris sa place à la tête de l’ANC. « Je partage les valeurs chrétiennes et familiales du MK », justifie Kelebogile.

Sans révéler à qui ira son vote, Shane, 58 ans, dit être « fatigué de la corruption, des coupures d’électricité et de l’arrogance ! Ils font la même chose depuis trente ans, mais c’est fini, il est temps qu’ils prennent les gens au sérieux ! », explique le quinquagénaire au sujet de l’ANC.

Une démocratie solide

Dans le township de Soweto, traditionnellement acquis à l’ANC, il n’est pas courant d’entendre autant de gens clamer qu’ils ne voteront pas pour le parti de libération de l’Afrique du Sud. Difficile toutefois d’en tirer une quelconque conclusion sur l’issue du scrutin, sinon que l’éclatement des votes autour d’une multitude de partis fait de cette élection la plus disputée de la jeune démocratie sud-africaine.

Une démocratie solide, dont la commission électorale est « l’une des meilleures en Afrique », a salué l’ancien président nigérian, Goodluck Jonathan, qui dirige la mission d’observation de l’Institut électoral pour une démocratie durable en Afrique (EISA). « Je veux féliciter l’Afrique du Sud pour ses trente années de démocratie, la plupart des pays africains n’ont pas cette chance », a souligné l’ancien dirigeant en visite dans un bureau de vote de Soweto.

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D’après un sondage de la Social Research Foundation, les intentions de vote en faveur du Congrès national africain sont légèrement remontées ces derniers jours, pour s’établir à 42,2 % des voix. « C’est un phénomène classique qu’on observe à chaque élection, l’ANC a tendance à presser les petits partis en fin de campagne et il fait en général mieux que ce qu’annoncent les sondages », analyse Wayne Sussman.

En cas de score inférieur à 45 %, le Congrès national africain devra sans doute tenter de composer avec l’un des principaux partis d’opposition pour élire un président et former un gouvernement. Mais quelques jours avant les élections, le nombre inhabituellement élevé d’électeurs indécis rendait toute projection particulièrement fragile. Dans une étude publiée le 22 mai, l’institut panafricain Afrobarometer a ainsi souligné son incapacité à « prédire le résultat final des élections » : un tiers des personnes interrogées ne savaient toujours pas pour qui voter. Les résultats de ces scrutins doivent être connus d’ici à dimanche.

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