Où en sont les RER métropolitains promis par Emmanuel Macron ?

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Vite, faire acte de candidature. Jeudi 23 mai, le président de la métropole de Montpellier (Hérault), Michaël Delafosse, et la présidente de la région Occitanie, Carole Delga, rassemblent des élus – les représentants de Nîmes, Sète, Lunel, au total neuf intercommunalités autour de Montpellier – pour lancer officiellement les bases du futur service express régional métropolitain (Serm) et candidater ensemble afin d’obtenir, en juin, la précieuse labellisation.

Leur promesse : des trains express régionaux (TER) à haute fréquence, circulant de 5 heures à 23 heures, des bus à haut niveau de services et des cars pour relier la métropole à son arrière-pays. L’horizon ? 2034. Les moyens ? Mystère. Depuis qu’Emmanuel Macron a annoncé, en novembre 2022, sa « grande ambition nationale » de « développer un réseau de RER » dans « dix métropoles françaises », tout le monde veut le sien, mais personne ne sait qui va les payer.

Des besoins gigantesques

« 800 millions d’euros sont fléchés dans les volets mobilité des contrats de plan État-région », détaille l’économiste spécialiste des transports ferroviaires Patricia Perennes. « C’est un bon début, mais ce ne sera pas suffisant pour financer 13 Serm », pointe la présidente de la région Occitanie et présidente de Régions de France, Carole Delga.

« À titre d’exemple, le Serm de Toulouse (Haute-Garonne) devrait coûter 3,6 milliards d’euros pour les seules infrastructures et 492 millions d’euros pour le matériel roulant, sans compter les frais de fonctionnement de plus de 113 millions d’euros uniquement pour le volet ferroviaire. »

« Il y a de l’argent pour payer les études, reconnaît le sénateur Horizons du Nord, Franck Dhersin. Mais, après, personne ne sait où est le pognon ! » Et les besoins sont gigantesques : « Entre 15 et 20 milliards d’euros », selon le Conseil d’orientation des infrastructures. « Plutôt 50 milliards d’euros », corrige le sénateur du Nord. « Chacun flaire les milliards et dit “moi aussi, je veux ma part”. Ça devient un peu comme d’habitude, du saupoudrage et du n’importe quoi. Comme on manque d’argent, il faut qu’on se concentre. »

Trente projets sur les rails

Y aura-t-il seulement 13 Serm retenus, comme l’a annoncé, en septembre dernier, Emmanuel Macron ? Le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires recense pas moins d’une trentaine de projets. Dans des métropoles, mais aussi pour le Sud-Morbihan, le Béarn Bigorre ou entre la Lorraine et le Luxembourg. Parmi les plus gros : ceux de Lille (Nord) et Marseille (Bouches-du-Rhône), qui prévoient la construction de gares souterraines traversantes. À Lille, le projet est estimé à 7,5 milliards d’euros, dont 1,5 milliard pour la construction de cette nouvelle gare, à Lille-Flandres.

Dans La Voix du Nord, le ministre des Transports, Patrice Vergriete, l’a qualifié de « très très cher » et « pas à la bonne échelle ». Certes, le jugement émane de l’ancien maire de Dunkerque, toujours attaché à son territoire, mais c’est aussi celui du membre d’un gouvernement dont les caisses sont vides.

À LIRE AUSSI « Le gouvernement n’a pas de stratégie » : les transports à bout de souffleLa conférence nationale de financement des Serm, initialement prévue en juin, a été reportée en septembre, officiellement en raison des Jeux olympiques. « On voit bien que l’État ne suit pas », estime l’économiste Patricia Perennes. « Il y a un décalage entre ce que les gens ont compris de l’annonce d’Emmanuel Macron, ce que lui-même avait dans la tête et ce qui est faisable avec les moyens disponibles. Plus ça évolue, plus on se rend compte de ce décalage. »

Pour elle, d’ici à la fin du deuxième mandat d’Emmanuel Macron, « il n’y aura probablement que des autocars express, voire, pour les régions qui veulent bien se les payer, comme Bordeaux et Strasbourg, le renforcement de dessertes ferroviaires ».

À Strasbourg, le premier RER métropolitain

Ces deux métropoles ont l’avantage de ne pas avoir attendu les annonces présidentielles pour lancer leur propre projet de réseau express. « À Strasbourg, le projet a été lancé dès 2018 par le président de la région Grand Est et le président de l’eurométropole de Strasbourg », précise le vice-président aux transports de la région, Thibaud Philipps.

Quelque 750 millions d’euros ont été injectés pour augmenter le nombre de trains sur plusieurs lignes, et faire circuler plus de cars. Les débuts, en 2023, ont été chaotiques, et l’objectif initial de 1 000 trains supplémentaires par semaine n’a pas été tenu : 650 de plus aujourd’hui, sur un total de 1 800.

À LIRE AUSSI La Gironde expérimente le car express « pour que les habitants lâchent leur voiture » Mais « Strasbourg est aujourd’hui la gare de France qui voit passer le plus de TER sur une journée, hors Île-de-France », souligne l’élu aux transports. Région et métropole comptent bien « profiter de la loi passée sur les Serm pour mener des études complémentaires et monter en puissance ».

À Bordeaux, la région Nouvelle-Aquitaine et la métropole de Bordeaux ont également lancé, dès 2018, un projet de RER métropolitain à 680 millions d’euros, qui prévoit des circulations traversant la gare de Bordeaux. « En 2023, nous avions 19 000 usagers par jour sur les lignes du TER et nous voulons en capter 20 000 de plus », détaille le président PS de la région, Alain Rousset. À la clé, des travaux sur les infrastructures et la commande de rames supplémentaires. « Nous avons engagé un financement colossal, qui tend notre budget, souligne l’élu. Nous sommes au-delà de la limite. »

Le magot des autoroutes

Alors, où trouver les milliards pour faire rouler ces RER ? Le président de la région Nouvelle-Aquitaine plaide pour que l’État « se rapatrie sur ses compétences et ses moyens » et donne aux collectivités les moyens d’une « ressource dédiée », notamment pour « la rénovation des lignes ».

« Nous attendons de l’État des précisions sur la fiscalité locale dédiée aux Serm, annoncée dans le texte de loi, qui doit contribuer à la mise en place et au bon fonctionnement de nos transports publics », pointe la présidente de la région Occitanie, Carole Delga. La plupart des présidents de métropole appellent de leurs vœux un déplafonnement du versement mobilité, un impôt dédié versé par les entreprises de leur territoire.

« C’est la principale source de financement de nos politiques de mobilité », souligne la présidente de l’eurométropole de Strasbourg, Pia Imbs, qui s’apprête à rencontrer les ministres des Transports et de la Transition écologique pour renouveler cette demande, « très largement formulée par les collectivités ».

À LIRE AUSSI Transports parisiens : le grand ras-le-bol « Le versement mobilité, c’est lourd et anti-emploi », proteste le sénateur du Nord Franck Dhersin. Il mise sur un cofinancement de l’Union européenne pour le RER lillois, qui bénéficiera en partie aux usagers belges. Et il verrait bien une autre ressource pour financer le ferroviaire : le magot des autoroutes.

« À partir de 2031 et jusqu’en 2034, les concessions autoroutières vont tomber. On a besoin, dans les dix ans, de 100 milliards d’euros pour les infrastructures ferroviaires, 100 autres milliards pour remettre à niveau les ponts et les ouvrages d’art et 50 milliards pour les RER métropolitains. On peut aller les chercher dans une renégociation de ces concessions, dont on ne peut pas accepter qu’elles continuent à se faire autant de gras. »


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