les États-Unis déposent l’Europe et donnent une leçon d’économie à Macron

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Malgré l’explosion de la dette publique française, la conjoncture économique est plutôt morose. Croissance en berne (1 % en 2024 selon les prévisions du gouvernement, 0,7 % selon le consensus des économistes), légère hausse du chômage… Et c’est encore pire à l’échelle de l’Europe : selon les prévisions de la Commission européenne, la croissance de la zone euro devrait péniblement atteindre 0,8 % en 2024.

Pendant ce temps, de l’autre côté de l’Atlantique, l’avenir semble plus radieux. Une croissance solide (2,1 % en 2024 selon les prévisions de la FED) couplée à une productivité au beau fixe permet aux Américains de creuser l’écart avec le Vieux Continent. En effet, outre-Atlantique, la productivité, c’est-à-dire la valeur ajoutée produite par rapport aux nombres de personnes employées, a grimpé de 3,2 % au quatrième trimestre 2023. À l’inverse, en France, la productivité a diminué de 5,2 % au deuxième trimestre 2023 par rapport à 2019.

« Le différentiel de croissance entre les États-Unis et la zone euro se fait à partir de 2012. Au sortir de la crise financière, l’Europe va se tourner vers des politiques d’austérité, alors que, aux États-Unis, ils vont accepter une sorte de déficit permanent », contextualise l’économiste à l’OFCE Mathieu Plane. « Ils ont des objectifs économiques et stratégiques qui sont clairs : ils veulent une économie forte à un moment assez important au niveau géostratégique par rapport à la Chine. Ils veulent prendre la main sur les technologies d’avenir, quitte à creuser leur déficit », résume-t-il.

« Privilège exorbitant » du dollar

Les États-Unis ont en effet une dette publique très élevée à près de 32 000 milliards d’euros. En pourcentage du PIB, cela représente 125 %, contre 111 % pour la France. Reste que les enjeux de cette dette ne sont pas vraiment les mêmes. Les Américains bénéficient du « privilège exorbitant » du dollar, déjà dénoncé en 1964 par Valéry Giscard d’Estaing. Leurs bons du Trésor sont donc très prisés. « Tout le monde a envie d’investir en dollars », souligne l’économiste spécialiste des questions financières, Philippe Trainar.

Autre avantage non négligeable : « Ils ont leur politique budgétaire entre les mains », explique Lisa Thomas-Darbois, directrice adjointe des études à l’Institut Montaigne. La Banque centrale américaine (FED) peut ainsi décider de dévaluer la monnaie si la charge de la dette devenait trop lourde, par exemple. La France, qui s’endette en euros et ne contrôle pas la Banque centrale européenne (BCE), est plus contrainte.

Surtout, la manne financière ainsi dégagée ne sert pas les mêmes objectifs. « La différence, c’est qu’en France le poids des dépenses publiques représente 57 % du PIB. Aux États-Unis, c’est 39 % [en 2023, NDLR] », souligne l’économiste Marc Touati. En effet, leur modèle social, beaucoup moins protecteur que la sécurité sociale française, est moins onéreux. « Ce n’est pas comparable mais, effectivement, on voit qu’il y a davantage d’investissements dans les nouvelles technologies », explique Lisa Thomas-Darbois, de l’Institut Montaigne.

Créer des milliers d’emplois

En effet, avec l’Inflation Reduction Act (IRA) promulgué en 2022, les États-Unis ont subventionné massivement leurs entreprises d’avenir et incité à la consommation de produits américains. Quelque 369 milliards devraient être mobilisés sur dix ans dans le cadre de ce plan.

Au bout d’un an, les crédits d’impôts avaient déjà permis de doubler les ventes de véhicules électriques aux États-Unis, poussant des constructeurs comme Tesla, Hyundai, Kia ou BMW à investir des milliards dans leurs capacités de production aux États-Unis.
À LIRE AUSSI États-Unis et zone euro : les raisons de l’écart de croissance et d’inflation

L’Amérique a aussi lancé le plan Chips and Science Act pour le secteur stratégique des semi-conducteurs, et le Jobs Act pour améliorer la compétitivité du pays et créer des milliers d’emplois. Et ça marche : « Comme les entreprises ne comptent pas sur l’État au quotidien, quand il y a des aides publiques, ça vient irriguer l’économie. À l’inverse, en France, comme elles sont sous perfusion en permanence, on ne se rend plus compte de l’effet que ça fait », estime Marc Touati.

« Comme une grande famille »

Au point que certains, comme l’économiste Mathieu Plane, considèrent que l’Europe gagnerait à en tirer des enseignements. « Il faut s’en inspirer au moins sur la nécessité d’investir au niveau européen. Au regard de la situation américaine ou chinoise, on ne peut pas juste considérer que l’équilibre des finances publiques est la priorité. Il faut gérer la transition énergétique, développer l’idée d’une réindustrialisation européenne… Sinon, on va mourir les plus riches du cimetière ! » alerte l’économiste à l’OFCE.

À LIRE AUSSI La France doit-elle vraiment réduire ses dépenses publiques ? Une proposition politique qui reste difficile à mener. Il faudrait notamment convaincre l’Allemagne, garante de l’orthodoxie budgétaire. « C’est comme une grande famille, quand il faut prendre une décision, il faut contenter un peu tout le monde et on arrive à une espèce d’équilibre qui n’est pas si satisfaisant que ça », reconnaît Mathieu Plane.

En février, l’Union européenne a entériné de nouvelles règles budgétaires qui restent très proches des anciennes. L’Allemagne et ses alliés dits « frugaux » ont réussi à imposer des réductions automatiques de dette et de déficit aux pays dont le ratio d’endettement dépasse 60 % du PIB. Leurs opposants arguent que ces clauses sévères vont empêcher ces États de réaliser les investissements colossaux nécessaires pour faire face, notamment, au réchauffement climatique.

3 101,2 milliards
C’est le montant de la dette publique française à la fin de l’année 2023.

Deux des trois agences de notation les plus influentes sur les marchés financiers, Fitch Ratings et Moody’s, ont mis à jour leur évaluation de la solvabilité de la dette publique française, le 26 avril. Cette révision de la note financière de la France a lieu tous les six mois. Plus de peur que de mal : la France a échappé à une sanction et les deux agences ont maintenu leurs notations, ainsi que leurs perspectives, inchangées. Standard & Poor’s (S & P), considérée comme l’agence la plus influente de toutes, livrera, quant à elle, son verdict ce vendredi 31 mai. Avant cette échéance, « Le Point » vous propose une série en cinq épisodes pour tout comprendre de la situation des finances de la France.
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