Virginie Puchaux, directrice générale France
Virginie a rejoint Hotwire il y a plus de 10 ans et a plus de 15 ans d’expérience dans la communication B2B et corporate. Elle a notamment participé aux campagnes RP de Rakuten, Steria, Chauffeur-Privé et Nikon. En décembre 2022, elle a été nommée head of brand marketing Europe, en parallèle de ses fonctions de directrice générale du bureau français. Virginie est spécialisée dans la communication de crise.
Selon vous, pourquoi est-il important que les marques définissent leur approche de l’IA ?
L’IA générative constitue un bouleversement technologique d’une ampleur identique à l’explosion de la bulle internet. Cette nouvelle technologie va modifier profondément nos quotidiens car, au-delà de l’innovation technique, l’impact sociétal est illimité et touche tous les domaines de notre quotidien (éducation, culture, santé, production, etc.). Ce phénomène génère à la fois de l’appréhension, de la mécompréhension, de l’enthousiasme et peut fragiliser la relation de confiance entretenue entre les marques et leurs audiences. Car indubitablement, l’IA a ou va avoir un impact significatif sur la manière dont une marque interagit avec ses clients, développe ses produits et gère ses opérations.
En tant que communicante, je pense que les marques contribuent à façonner le monde dans lequel nous vivons, elles portent donc une responsabilité. Se positionner par rapport à l’IA représente une opportunité d’affirmer leurs convictions, d’éclairer leurs audiences, souvent inquiètes, et d’innover. Attendre c’est prendre le risque d’être distancé.
Concrètement, comment les dirigeants de marques peuvent-ils s’orienter dans cette nouvelle ère ?
Les dirigeants et leurs équipes doivent définir un discours de marque en phase avec leurs objectifs stratégiques. Cela les contraint à aligner vision, technologie et objectifs, mais leur permet de mettre à jour leurs messages. C’est essentiel pour fédérer, en interne et en externe.
Pour y voir plus clair et aider les marques à sérier les opportunités, nous avons conçu une matrice à la manière du Boston Consulting Group. Nous avons croisé les comportements en abscisses (de prudent à enthousiaste), et les propositions de valeur en ordonnées (orienté efficacité ou exploration humaine) pour isoler quatre grands quadrants : les transhumanistes, les pragmatiques, les sceptiques et les artisans. Pour chacun des quadrants, nous avons développé plusieurs pistes de réflexion afin de nourrir leur storytelling.
Deux points méritent toutefois d’être soulignés. La première, c’est qu’il n’y a pas de mauvaise posture dans le quadrant. Les sceptiques et les artisans ont autant d’opportunités de discours que les explorateurs qui revendiquent l’utilisation de l’IA ! La seconde, c’est que le discours n’est pas figé, et peut – ou plutôt doit – évoluer avec l’apprentissage de l’IA. Trop de marques restent silencieuses par peur de faire le mauvais pas et d’effrayer leurs clients. Je suis convaincue que cette précaution leur ferme des opportunités et qu’elles pourraient partager leur réflexion sans être définitives.
En tant qu’agence, vous interagissez avec les marques. Quelles sont leurs préoccupations au sujet de l’IA ?
En tant qu’agence de conseil en relations publiques, communication et marketing, nous occupons une place privilégiée dans l’élaboration du discours des marques et son émission vers ses audiences. Je distingue plusieurs problématiques communes au sujet de l’IA.
L’une des principales est de l’ordre de l’identification des potentialités qu’offre l’IA : « Comment l’utiliser, et jusqu’où puis-je aller ? » En effet, exploiter au mieux l’IA implique de repenser des pratiques installées dans une organisation. Cela signifie de ne pas limiter son champ de vision, de ne pas se contraindre par rapport aux ressources matérielles et humaines existantes. C’est un exercice difficile au sein d’une équipe, qui gagne encore en complexité lorsqu’il faut convaincre plusieurs départements (la finance, l’informatique, etc).
Pour cela les marques sont en proie à deux forces antagonistes : d’un côté elles veulent encourager leurs équipes à pratiquer les outils d’IA et à se former, mais de l’autre elles sont préoccupées par la protection de la confidentialité et de la sécurité des données de leurs clients.
Les marques doivent composer avec l’évolution incertaine des réglementations et veulent s’assurer que leurs solutions d’IA sont équitables et impartiales.
Pourriez-vous citer des exemples d’entreprise qui ont déjà intégré l’IA générative dans leur stratégie de marque ?
Je distinguerais 4 grands groupes. Celui des marques innovantes et créatives, qui ont proposé de nouveaux produits ou design en s’appuyant sur l’IA, c’est le cas d’Adobe, de Nike ou de Coca-Cola. D’autres marques ont utilisé la technologie pour produire leurs campagnes en optimisant le ROI, en utilisant par exemple des images produites par l’IA générative, c’est notamment le cas de la dernière campagne de maillots de bain d’Undiz. Ensuite viennent les marques qui, sans le revendiquer, utilisent déjà l’IA générative depuis longtemps, bien avant l’avènement de ChatGPT et de son succès auprès du grand public, pour réinventer leur stratégie commerciale et de production. C’est le cas des marques industrielles et automobiles. Enfin, les acteurs tech B2B, qui travaillent sur différents aspects de l’IA, souvent déjà intégrés dans leurs offres et qui doivent redoubler d’ingéniosité pour exister dans le bruit ambiant de manière audible et séduisante.
En 2024, face à l’IA, quels seront les défis et risques principaux pour les entreprises ?
Les défis sont multiples, complexes et évolutifs.
Les entreprises devront naviguer avec des questions éthiques complexes liées à l’utilisation de l’IA, telles que les biais algorithmiques, la protection de la vie privée, la transparence et la responsabilité en cas de décisions erronées prises par des systèmes autonomes. Les entreprises devront également se conformer à une réglementation de plus en plus stricte en matière d’IA, ce qui peut être complexe et coûteux à mettre en œuvre. Les lois sur la protection des données, la non-discrimination et la gouvernance des algorithmes pourraient avoir un impact significatif sur la manière dont les entreprises utilisent l’IA.
Le besoin de compétences et de talents en matière d’IA continuera de croître, ce qui mettra les entreprises sous pression pour recruter et former des professionnels qualifiés capables de concevoir, développer et déployer des solutions d’IA efficaces.
Elles devront surmonter les réticences des utilisateurs à l’égard de l’IA, en particulier en ce qui concerne les craintes concernant la perte d’emplois, la confidentialité des données et la perte de contrôle sur les décisions.
Avec une utilisation croissante de l’IA, les marques seront également confrontées à des risques accrus de cyberattaques visant à compromettre les données utilisées par les systèmes d’IA. La sécurisation des données deviendra donc une priorité absolue pour protéger les informations sensibles. Alors que les entreprises intègrent de plus en plus l’IA dans leurs opérations, elles pourraient devenir excessivement dépendantes de ces technologies, ce qui les rendrait vulnérables en cas de défaillance du système ou de panne majeure.
Enfin, l’intégration réussie de l’IA avec les systèmes et processus existants peut être un défi technique et organisationnel, nécessitant souvent des investissements importants en termes de temps et de ressources.
Une approche proactive et stratégique sera essentielle pour naviguer avec succès dans ce paysage en mutation rapide : il leur faudra développer différents scénarios pour identifier les impacts possibles, préparer et adapter les messages et tactiques pour contrôler l’émergence de crises potentielles, et distinguer les opportunités de se démarquer.
Comment accompagnez -vous les marques dans ce processus ?
Hotwire organise des ateliers de présentation et de formation aux différents outils d’IA génératives du marché pour mettre au même niveau les équipes communication et marketing de nos clients. Il s’agit d’identifier ensemble comment l’IA peut leur permettre de résoudre des problématiques existantes et à venir. Nous développons également nos solutions pour permettre aux organisations de tirer parti d’analyses avancées, de l’IA et de données complètes pour mieux identifier les messages, les sujets ainsi que les journalistes et les influenceurs les plus percutants.